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Après un exercice 2021 record, le secteur français de l’édition démarre l’année en marche arrière

Sur le premier trimestre, le marché français de l’édition est en recul de 12 % sur un an, selon le Syndicat de la librairie française. Une baisse qui questionne toute l’industrie du livre après une année 2021 record. Ce creux des ventes se double aussi pour les éditeurs de vives tensions sur le marché du papier.

Pour le marché français de l’édition, tous les voyants sont d’un orange bien pâlot en ce début d’année 2022. « Sur les trois premiers mois, le secteur est en baisse de 12 % en valeur par rapport à la même période en 2021 et aucun rayon n’y échappe en particulier », confie Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française (SLF) dont les adhérents pèsent près d’un tiers du chiffre d’affaires national des librairies indépendantes. « La BD et la littérature générale, qui pèsent la moitié du marché, résistent le mieux à 0 % et -0,3 %. Mais tous les autres segments baissent fortement. »

Dans le détail, les sciences humaines sont en recul de 11 % sur un an, les romans policiers de 10 % et le segment jeunesse de 8 %… Des chutes marquées qui s’expliquent aussi par un effet de base défavorable pour le marché. L’an dernier, l’exercice a été historique (+14 % sur un an) , ce qui a porté l’industrie vers des sommets jamais atteints, à 4,5 milliards d’euros, selon les données de GfK Market Intelligence. « Sur les trois premiers mois de 2022, le marché est quand même toujours en avance de 4 % par rapport à 2019, recontextualise Guillaume Husson. Ce début d’exercice marque en quelque sorte un retour à la normale. »

Et cet aspect taraude fortement l’industrie. « Tout le monde se demande si l’année 2021 a été une espèce de bulle ou si le recul actuel est avant tout dû à des difficultés plus générales et conjoncturelles », souligne Philippe Robinet, directeur général de Calmann-Lévy. Inflation , guerre en Ukraine , renchérissement du coût de l’énergie : le contexte macroéconomique est de nature à inciter les ménages à rogner sur leurs dépenses de loisirs, notamment leurs achats de livres.

« Même les best-sellers se vendent beaucoup moins »

Un paradigme que le marché français n’est pas le seul à rencontrer. « Nous constatons la même tendance sur les autres marchés comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, tout particulièrement depuis le début du mois de mars qui a marqué un coup d’arrêt assez net », expose Fabrice Bakhouche, directeur général délégué d’Hachette Livre, numéro trois mondial. En France, le recul a ainsi été de 14 % sur le mois de mars par rapport à la même période, d’après le SLF. En sus, le secteur tricolore pâtit également de la campagne présidentielle, une période traditionnellement peu propice aux ventes de livres dans l’Hexagone.

« Les gens ont la tête à autre chose qu’à la lecture. Depuis un mois, il n’y a quasiment personne en librairie. Même les best-sellers se vendent beaucoup moins bien qu’habituellement », note Muriel Beyer, directrice des Editions de l’Observatoire (Humensis). Un indicateur révélateur de la dynamique de l’industrie puisque ce sont ces ouvrages qui font se déplacer les lecteurs en librairie d’où ils repartent rarement avec un seul livre.

Tensions sur le marché du papier

Sorti début janvier, « Anéantir » de Michel Houellebecq a ainsi récemment franchi le cap des 185.000 exemplaires vendus, selon les estimations du panéliste Edistat, quand ses deux précédents opus, « Soumission » et « Sérotonine », n’avaient mis qu’une semaine pour s’écouler respectivement, à plus de 155.000 et 115.000 unités. Dans un autre genre, le dernier livre de Joël Dicker (« L’Affaire Alaska Sanders ») s’est vendu à 146.227 exemplaires lors de ses trois premières semaines d’exploitation selon Edistat, contre 255.848 pour le précédent « L’Enigme de la Chambre 622 » sur la même période.

« Le recul global du marché nous rappelle que la guerre de l’attention du livre contre les autres médias n’est jamais gagnée, estime Michèle Benbunan, patronne d’Editis, numéro deux français. Notre industrie ne va pas faire des croissances à deux chiffres tous les ans mais il y a eu un effet de cliquet en 2021 sur lequel il faut capitaliser en continuant à innover – que ce soit sur les formats audios ou la présence des libraires comme des auteurs sur les réseaux sociaux, en les aidant à y accroître leur visibilité et leur influence. »

En attendant, ce creux des ventes se double aussi de vives tensions sur le marché du papier ayant considérablement rallongé les délais d’approvisionnement. Si tous les géants français de l’édition assurent avoir sécurisé du stock pour les prochains mois, cela n’empêche que la hausse des tarifs est bien réelle et ne saurait rester sans conséquence. « A un moment, il va bien falloir que nous augmentions tous le prix de nos livres, fait valoir Muriel Beyer. Même si ce n’est que pour passer le tarif de 17 euros à 18 euros pour un livre en grand format, cela peut tout de même avoir une légère influence sur la demande. »

 

Lire : Les Echos du 4 avril

 

Jean-Philippe Behr

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