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Complémentarité print-web : faire le deuil des chimères

Alors que les outils numériques d’information (sites, webzines, réseaux sociaux, pure players…) ont déjà largement dépassé le stade de l’émergence, les études se suivent et confirment que les magazines papier des collectivités restent le premier support d’information des citoyens. La question n’est donc plus de savoir si, comme on l’a lu et entendu mille fois depuis des années, « le numérique va tuer le papier », mais comment faire coexister intelligemment web et print, voire – mieux – comment les faire travailler en synergie. Plus facile à dire qu’à faire…

 

Lors du forum de Bordeaux, les désormais fameuses « thérapies digitales » ont permis d’aborder une problématique qui cause bien des migraines, « des nervous breakdowns comme on dit de nos jours » (copyright Michel Audiard), aux communicants publics : quelles complémentarités sont possibles entre supports web et print ?

 

Les participants à la thérapie digitale consacrée à cette épineuse question sont arrivés après deux sessions d’intenses débats à plusieurs conclusions, ou, pour être plus précis, à l’identification de… 2 chimères et 2 convictions. Les voici résumées :

Chimère n° 1 : publier les magazines en version numérique

 

Force est de constater que les différentes options testées jusqu’ici (PDF, feuilletable…) pour permettre l’accès à l’ensemble de son magazine sur son site internet n’ont jamais été couronnées de succès. Un webzine alors ? Là encore, bien que certaines plateformes sur le marché soient excellentes en matière d’ergonomie et de confort de navigation, et permettent d’agrémenter les articles de contenus multimédia, la conclusion reste la même : ce qui est écrit et conçu pour le print n’est pas adapté au web. Avez-vous déjà essayé de lire un article « format magazine » de 3 000 signes sur un écran de smartphone ? Fausse bonne idée…

Chimère n° 2 : créer des passerelles directes entre magazine et web

 

Là aussi, on a essayé tout un tas de dispositifs différents, avec l’espoir de faire passer les lecteurs d’un support à un autre. Mais qu’il s’agisse de QR codes ou de balises « plus d’infos sur notre site », les dispositifs imaginés pour tester de faire dégainer son smartphone au lecteur du magazine sont restés inefficaces. Avec le recul de plusieurs années de tentatives désespérées, il faut se rendre à l’évidence : la création de « flux migratoires cross média » qui consisteraient en la migration réelle et physique d’une même personne d’un support papier à un support web (et inversement) est elle aussi une chimère.

La complémentarité, c’est l’adaptation !

 

S’il est voué à l’échec d’espérer copier-coller des textes écrits pour le magazine sur un support web, c’est parce que, à de rares exceptions près, on ne « lit » pas un article en ligne… on le scanne, l’œil s’arrêtant sur des points saillants pour ensuite permettre au cerveau de reconstituer l’essentiel du message.

 

Si les textes, même longs, ne sont pas à bannir, le numérique passe donc par une nouvelle écriture qui permettra ce « scan » et la reconstitution du message : multiplication des entrées de lecture, mises en avant d’éléments ou de phrases en gras, avec des puces, etc.

 

La « lecture » numérique fait également appel à d’autres sens : la vue mais aussi l’ouïe, d’où l’intérêt de proposer des formats multimédia et ultra visuels (vidéo, mais aussi infographies, graphisme social, datavisualisation…).

 

Et si là se trouvait la vraie clé de cette fameuse « complémentarité » tant recherchée ? Et si, plutôt que de s’échiner à vouloir à tout prix « décliner » ou « enrichir », on cherchait avant tout à raconter nos histoires sur différents supports en adaptant notre écriture et nos formats éditoriaux à chaque support ?

La complémentarité, c’est chacun à sa place !

 

Il est donc inutile d’essayer de dupliquer vos articles de magazine sur le web, tout comme il est vain d’essayer de reproduire sur le magazine des contenus conçus pour le web. Ces deux supports seraient donc incompatibles ? Oui, et tant mieux ! Car c’est justement dans cette incompatibilité que réside… leur complémentarité. Car il est des réalités incontournables, comme celle qui veut que le temps court soit la grande force du web, quand l’explication, l’analyse, le débat, la pédagogie ont besoin de temps et de formats longs… et donc sont totalement adaptés au support papier. Ça n’est pas de la complémentarité, ça ?!

 

Et si, finalement, l’émergence du numérique, loin de tuer le papier, nous forçait à lui redonner toute sa « vraie » place et nous permettait au contraire de lui offrir une cure de sens… et de jouvence ?

 

Lire : Cap’Com du 21 janvier

Jean-Philippe Behr

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