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Droits voisins : l’Autorité de la concurrence regarde de près Bard, l’IA de Google

L’antitrust a envoyé des questions à des organisations fédérant des titres de presse et des médias pour surveiller les engagements de Google relatifs aux droits voisins. Le sujet de l’intelligence artificielle est évoqué.

Google et en particulier l’intelligence artificielle (IA) du géant américain sont scrutés de près par l’Autorité de la concurrence française (ADLC).

Selon nos informations, l’antitrust a échangé avec plusieurs organisations professionnelles et médias, ces derniers mois, dans le cadre d’une instruction sur le respect de ses engagements sur les droits voisins, c’est-à-dire la rémunération des contenus des médias qui alimentent une partie du trafic sur la Toile. Elle a aussi eu des échanges avec Google.

Questionnaire

Un questionnaire a été envoyé à plusieurs organisations et éditeurs. Parmi les questions, plusieurs ont trait à l’intelligence artificielle de Google (Bard qui est rebaptisé Gemini), concernant notamment l’utilisation de leurs contenus dans Bard, les moyens utilisés pour refuser que Bard s’entraîne avec leurs contenus, le lien entre Bard et le référencement des médias sur le moteur de recherche, la question de savoir si Bard est inclus dans les négociations sur les droits voisins ou encore un éclairage sur la manière dont les médias voient les conséquences économiques, juridiques de l’IA…

« L’une des questions sous-jacentes que se pose tout le monde est : est-ce que l’utilisation des contenus des médias par l’IA peut entrer dans le cadre des droits voisins et y aura-t-il de nouvelles négociations ? » résume un bon connaisseur du secteur. Ou dit autrement : « Est-ce que Google profite des engagements actuels sur les droits voisins, en y incluant l’IA sans rémunération supplémentaire ? » ajoute un autre.

Des combats épiques entre presse et géants de la tech

L’ADLC s’est saisie depuis longtemps du sujet des droits voisins, après des combats épiques entre éditeurs de presse et géants de la technologie américaine ces dernières années. En 2021, elle avait infligé une amende de 500 millions d’euros à Google pour avoir négocié de mauvaise foi avec les éditeurs français. Puis en 2022, elle a accepté les engagements pris par le groupe californien. Engagements qu’elle suit ici.

L’ADLC devrait rendre son avis sur le sujet prochainement. Il s’agirait vraisemblablement de voir si Google doit modifier, améliorer le respect des engagements pris sur les droits voisins et s’il y a des modifications pour prendre en compte l’IA. Selon plusieurs spécialistes, il s’agirait bel et bien d’une enquête.

Plus de 370 accords en France autour du droit voisin

L’institution de la rue de l’Echelle ne fait aucun commentaire sur ce sujet. De son côté, Google indique poursuivre ses engagements, sans entrer dans le détail de ses échanges avec l’ADLC, rappelant qu’elle a conclu plus de 370 accords en France, autour du droit voisin. Le groupe américain a aussi des discussions avec le mandataire – Accuracy – nommé en 2022 pour suivre les engagements.

Par ailleurs, l’antitrust a indiqué aux « Echos » avoir commencé à interroger les entreprises du secteur de l’intelligence artificielle générative, leurs fournisseurs et leurs clients, en quête d’éventuels abus de la part de Microsoft, Google, Amazon ou d’autres.

Inquiétudes des médias

L’essor de l’intelligence artificielle inquiète nombre de médias. Le secteur craint à la fois le pillage de ses contenus pour entraîner les modèles – qu’il est compliqué d’interdire – mais aussi la concurrence potentielle des IA génératives, tremblant que demain le lecteur se contente des informations fournies par ChatGPT ou Bard sans passer par la presse. Certains éditeurs ont également peur qu’un blocage de leurs contenus pour entraîner Bard ne nuise à leur référencement – même si Google assure que les deux activités sont complètement séparées.

Si le feu vert sur l’AI Act a un peu rassuré le secteur, dans la mesure où il impose une notion de transparence des sources utilisées pour l’entraînement des modèles, des questions restent en suspens et l’application de la législation reste encore lointaine. Alors que les éditeurs commencent à préparer la contre-offensive pour demander des comptes aux IA génératives, un avis de l’ADLC pourrait leur permettre d’asseoir leur position.

L’AFP négocie avec des acteurs de l’IA pour vendre des archives mais aussi des contenus plus «chauds»

L’AFP négocie avec plusieurs acteurs de l’IA pour monétiser ses contenus – sans préciser lesquels. Même s’il y a eu un peu de retard à l’allumage pour nombre de médias, désormais on négocie «comme des malades», a plaisanté Fabrice Fries, PDG de l’AFP, lors d’une réunion sur l’IA à Bercy, mercredi soir. L’idée serait de monétiser ses archives pour que les modèles d’IA s’entraînent et fournissent des réponses. «On parle plus en millions d’euros, qu’en dizaine de millions», a t-il précisé. Car selon lui, ce qui a le plus de valeur ce ne sont pas les archives – les contenus accessibles ayant été largement pillés par des acteurs de l’IA – mais plutôt les contenus d’actualité précis qui pourraient être utilisés pour constituer des bases de données sur des thèmes définis, dans lesquelles les IA pourraient piocher. Il cite, par exemple, l’initiative de Lefebvre Dalloz, qui vient de lancer une IA n’utilisant que des contenus de ses éditions, pour garantir des réponses fiables et sourcées. Il pourrait ainsi concevoir, avec des acteurs technologiques, de nouveaux produits à destination d’une clientèle d’entreprises et d’institutions sur diverses thématiques, en collaboration avec divers acteurs (de l’intelligence économique etc.). «On ne veut pas se cantonner à une discussion sur les archives. On veut participer au développement de nouveaux produits», dit-il, ajoutant toutefois que rien n’était signé à l’heure actuelle. Il a aussi précisé qu’il serait attentif à ne pas désintermédier les médias, ses clients.

 

Lire : Les Echos du 8 février

 

Jean-Philippe Behr

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