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Les journaux espagnols réclament 550 millions à Meta

Les éditeurs de presse s’allient pour attaquer le propriétaire de Facebook et Instagram pour concurrence déloyale. Ils accusent le géant de la tech d’avoir mis à profit les données personnelles des utilisateurs de ses plateformes à leur insu, pour vendre de la publicité personnalisée.

Les journaux espagnols se rebellent contre le géant de la tech Meta et l’attaquent en justice pour concurrence déloyale. Les principaux groupes de presse se sont unis pour dénoncer les pratiques du propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp en matière de publicité segmentée, et réclament 550 millions d’euros en compensation du préjudice subi.

L’accusation est conduite par l’association des éditeurs de presse (AMI), qui représente près de 90 titres espagnols parmi lesquels les plus importants du pays, comme « El Pais », « La Vanguardia », « El Mundo » et « ABC », ainsi que les groupes de presse régionale. Ce lundi, ils annonçaient une plainte commune contre Meta pour son infraction « systématique et massive » à la norme européenne de protection des données, « durant la période comprise entre le 25 mai 2018 et, au moins, le 31 juillet 2023 ».

Le communiqué précise que les accusateurs se réservent le droit d’élargir la période concernée par la plainte, au vu de « la persistance de Meta dans l’infraction, comme l’indique l’injonction formulée le 27 octobre 2023 par le Comité européen de protection des données ».

Pas de consentement explicite

Les journaux espagnols font valoir le fait que Meta ne demande pas l’autorisation des utilisateurs de ses plateformes de façon claire et spécifique, pour utiliser à des fins commerciales les informations qu’ils laissent sur les plateformes. Cela les conduit à considérer qu’il n’y a pas eu le consentement explicite réclamé par la loi, et que les recettes dérivées de la vente de publicité segmentée ont donc été obtenues de façon illégitime.

Le président de l’AMI, José Joly Martinez de Salazar, estime que Meta a construit sa position dominante en ignorant délibérément et de façon réitérée la loi qui a été établie précisément pour protéger l’intimité des personnes. Il souligne que cette pratique déloyale a porté préjudice aux médias espagnols, au point, dit-il, de menacer leur viabilité. L’équipe juridique de l’AMI chiffre le manque à gagner du secteur à 550 millions d’euros sur cinq ans, entre 2018 et 2023.

Selon le ministère espagnol de l’Economie, le secteur des médias est précisément la deuxième branche d’activité la plus numérisée du pays, derrière les propres compagnies technologiques. « Cela signifie que les médias sont pionniers en numérisation en Espagne », explique José Joly Martinez de Salazar. « Ils obtiennent ce positionnement remarquable grâce à leur innovation constante et leurs efforts d’investissements, insiste-t-il, en dépit du fait que la domination de l’écosystème numérique par les grandes plateformes empêche les médias d’obtenir une monétisation juste. »

Protection des données

Cinq ans après l’intégration par tous les pays des règles européennes sur la protection des données, les initiatives se multiplient pour tenter enfin de les faire appliquer. La plainte déposée par les médias espagnols fait suite, en effet, à une série de décisions de justice ces derniers mois, dans plusieurs pays européens. Meta a déjà été épinglé en Irlande, en Norvège et plus récemment en Allemagne, autour de la question de la monétisation des données personnelles des utilisateurs de plateformes, recueillies et exploitées sans leur consentement explicite.

Face à cette offensive, le groupe a déjà lancé la parade en proposant deux formules pour ses usagers européens. Avec un accès premium payant pour ceux qui souhaitent éviter la publicité, ou la possibilité de conserver l’actuel service gratuit, à condition de signer un consentement pour recevoir des publicités ciblées. Un modèle déjà contesté, qui est visé par plusieurs plaintes en Autriche et à Bruxelles, et a fait l’objet d’un signalement en France auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

 

Lire : Les Echos du 4 décembre

 

Jean-Philippe Behr

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