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Sous pression, « Ouest-France » change pour rebondir

Le leader de la presse quotidienne régionale sort d’un exercice difficile, marqué par l’envol du prix du papier et les difficultés du portage de ses journaux. Mais il investit pour préparer l’avenir, tout en renouvelant son directoire.

Même les premiers de la classe ont des passages à vide. « Ouest-France », le leader de la PQR, n’échappe pas aux difficultés de la presse. « Les comptes 2022 ne sont pas excellents », convient Louis Echelard, l’actuel président du directoire, qui, à soixante-douze ans, cédera sa place le 22 juin à François-Xavier Lefranc, jusqu’ici directeur des rédactions.

Avec une diffusion en légère baisse de 1,7 % en 2022, à 619.000 exemplaires quotidiens, le chiffre d’affaires du quotidien régional est resté quasiment stable l’an dernier, à environ 320 millions d’euros (+1 %). Mais « Ouest-France » a subi pas moins de 15 millions d’euros de surcoûts liés à l’inflation, dont plus de la moitié à cause de l’envolée du papier. « Entre le papier, l’énergie, les encres… C’était les feux d’artifice sur les coûts de production », regrette Louis Echelard.

A cette inflation subite s’est ajoutée une autre difficulté : l’impossibilité de trouver suffisamment de porteurs pour déposer les journaux chez les abonnés. En conséquence, « nous n’avons pas été en mesure de tenir toujours la promesse de mettre le journal dans la boîte aux lettres de nos lecteurs avant 7 h 30 », admet le président du directoire. Cette défaillance a entraîné des désabonnements ou des conversions – par la force des choses – des abonnements papier vers le numérique, moins rémunérateur.

Restructurations

Au final, malgré un excédent brut d’exploitation (EBE) de 4 millions d’euros, l’exercice se solde par une perte nette de 6 millions d’euros, largement due à d’importantes charges de restructuration, évaluées à 7 millions d’euros. Car le titre, qui comme beaucoup d’autres journaux a augmenté son prix de vente à l’unité de 10 centimes en début d’année, a choisi d’investir pour rebondir. «  Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles, aussi des dispositions pour aller de l’avant  », souligne Louis Echelard.

La première d’entre elles concerne l’outil industriel, avec la suppression du centre de production d’Angers et la restructuration de ceux de Rennes et Nantes, afin d’abaisser les coûts fixes. La mesure, qui a été provisionnée dans les comptes 2022, s’est traduite par des réductions d’effectifs, dans le cadre d’un plan visant une cinquantaine de postes.

Les salariés des différents métiers du groupe ont aussi été regroupés au siège, sur un vaste campus de 13 hectares aux portes de Rennes, dont la rénovation a demandé de lourds investissements.

Ensuite, le groupe Ouest-France a mis le paquet sur le développement commercial et la conquête d’abonnés, notamment grâce à la data. Cette politique a permis le recrutement de 96.000 nouveaux abonnés, aux deux tiers numériques, pour un total de 192.000 abonnés numériques fin 2022. Les audiences ont en revanche marqué le pas par rapport à la période Covid.

Investissement éditorial

Pour continuer à faire croître son bassin de fidèles, le journal continue à élargir son positionnement éditorial. « Le projet de ‘Ouest-France’ est en forte évolution », précise François-Xavier Lefranc. Auparavant journal régional, le quotidien s’est développé sur l’ensemble du territoire français. « Un investissement que nous allons poursuivre, indique-t-il, sans relâcher nos efforts sur notre territoire. »

L’audience numérique est déjà à plus de 70 % hors de l’Ouest de la France, même si seuls 10 % des abonnés n’habitent pas cette zone historique. La rédaction veut continuer à « fortement monter en compétence sur le national, l’international, l’Europe et les grandes thématiques », indique le successeur de Louis Echelard. Celle-ci compte désormais 620 journalistes, contre 580 dix ans plus tôt. « Nous pensons que c’est l’éditorial qui peut sauver les médias », insiste François-Xavier Lefranc.

« C’est donc pour nous une année contrastée, mais qui nous a permis de prendre des positions pour le futur », conclut Louis Echelard. Un futur qu’il appartiendra à une autre équipe dirigeante de construire, emmenée par un duo composé de François-Xavier Lefranc, au poste de président du directoire, et Fabrice Bazard, venu du numérique et nommé directeur général en remplacement de Matthieu Fuchs.

« Si la page de l’ère Hutin est totalement tournée, le renouvellement des générations à la direction du quotidien, que beaucoup souhaitaient, est repoussé à plus tard », explique Jean-Clément Texier, spécialiste des médias. Matthieu Fuchs, gendre de l’ex-PDG historique François Régis Hutin, se voit en effet confier la stratégie du holding Sipa-Ouest-France, qui contrôle le quotidien. Tout cela sous l’oeil attentif de Louis Echelard qui, en tant que cogérant de Sipa, gardera une influence déterminante sur le destin du titre.

 

Lire : Les Echos du 26 avril

 

Jean-Philippe Behr

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