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En Normandie, la galère d’imprimeurs publicitaires dépendants de La Poste

Des imprimeurs spécialisés dans la communication publicitaire par courrier dépendent des distributions de La Poste. Les délais, parfois trop longs, les mettent en difficulté.

Benoît Gallier est dirigeant de l’imprimerie Compedit-Beauregard à La Ferté-Macé (Orne). Rachetée par son père en 1968, l’imprimerie qui emploie 41 personnes est spécialisée dans la réalisation de publicités professionnelles adressées par voie postale aux particuliers. Environ deux millions de lettres et revues passent dans les rotatives chaque année. La moitié du transport est assurée par La Poste. « La Poste passe deux fois par jour pour transporter des courriers par palette. Ils sont les seuls à distribuer, chaque jour, sur l’intégralité du territoire », situe Benoît Gallier.

Des promesses non tenues

Benoît Gallier a décidé de contacter la direction de l’entreprise après plusieurs couacs. Il retrace : « Jardiland a voulu mettre en place une opération promotionnelle pour assurer des ventes après la Covid. » Le 8 juin 2020, l’opération marketing prévoit 20 000 courriers adressés nominativement aux clients de l’enseigne de jardinage pour une distribution prévue, au plus tard, mardi 16 juin. « Les premiers courriers sont arrivés le 19 juin. Les derniers, une fois la promotion passée. » Pour le chef d’entreprise ornais, la facture est salée : 10 000 €.

Qui payera la facture ?

« 7 800 € étaient des frais d’affranchissement. À ce prix-là, c’est intolérable que La Poste n’ait pas assuré les délais , fulmine le dirigeant de la PME. Mon client ne -souhaite pas payer la facture, j’ai donc contacté La Poste pour obtenir un remboursement. » Numéro vert sans personne au bout du fil, pas de mail ni de numéro de téléphone à contacter… Les réponses sont longues à venir. La Poste finit par s’excuser, en occultant la question des remboursements : « Les délais annoncés, à savoir quatre jours ouvrables, sont des délais indicatifs. Ils ne font en aucun cas l’objet d’un engagement contractuel. »

Une situation récurrente

« On a perdu bien des fois des clients, appuie Hervé Lebel, de la société de routage PNR basée à Carpiquet (Calvados). C’est une situation courante. » Le patron confie être « obligé de faire avec » face au monopole de La Poste. « En trente ans, j’ai bien eu 20 conflits de ce type. Mille fois on a essayé d’obtenir des remboursements. Ça prend du temps, c’est compliqué, et ce n’est jamais équivalent à la somme perdue. »

Xavier Deysine, de l’imprimerie La Maison du document à Caen, est moins touché car ses envois de courriers ne sont pas soumis à des contraintes de délais. Il suggère : « Le monde est en train de changer, il faut envoyer les courriers par e-mail. » Pour Hervé Lebel, c’est une fausse bonne idée : « Les gens ne lisent pas la publicité mail. Le papier est indispensable dans une campagne publicitaire. Le vrai problème, c’est le prix du timbre. »

Quant à Benoît Gallier, il prédit : « Aujourd’hui, La Poste a le monopole du courrier adressé. Ce manque de fiabilité récurrent allié au prix de l’affranchissement entraînera, à terme, la disparition complète du média papier. »

La Poste : « Nous ne sommes pas engagés à respecter un nombre de jours ferme »

La direction de La Poste a assuré ne pas être contractuellement engagée à respecter les délais inscrits puisqu’il s’agit seulement de délais « indicatifs », et que « les situations individuelles de chaque client sont examinées par les équipes spécialisées dans la relation client ». Et d’ajouter : « Nous ne sommes pas engagés à respecter un nombre de jours ferme. »

Et quand les échéances ne sont pas respectées ? La Poste botte en touche : « Pour accompagner les entreprises dans leur communication par courrier, La Poste propose différentes solutions d’affranchissement et d’envoi, y compris des solutions d’envoi numérique. » Elle ne mentionne aucune solution de remboursement.

Au 1er janvier 2021, les prix du courrier augmenteront de 4,7 % en moyenne. « Nous sommes dans la moyenne des tarifs européens » , situe La Poste.

Lire : Ouest-France du 20 août

 

Jean-Philippe Behr

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