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« L.A. Times », « Pitchfork », « Sports Illustrated »…La presse américaine en crise

De nombreux titres ont annoncé ces derniers jours des plans de licenciements massifs. Pour la première fois de leur histoire, les journalistes du « Los Angeles Times » se sont mis en grève.

Tout un symbole. Pour la première fois de sa très longue histoire -le titre est vieux de 142 ans- le « Los Angeles Times » est confronté à la fronde de ses journalistes. Vendredi, plusieurs d’entre eux ont cessé le travail pour protester contre un vaste plan de licenciements prévu au sein de ce journal en grande difficulté financière.

Des dizaines d’employés du journal se sont rassemblés dans un parc du centre de Los Angeles pour dénoncer les projets de la direction. Ce mouvement de grève a été suivi par 90 % des salariés syndiqués du journal, selon Brian Contreras, un responsable syndical, y compris par des correspondants d’autres villes des Etats-Unis, dont la capitale Washington.

La direction de ce titre symbolique de la presse américaine, propriété du milliardaire Patrick Soon-Shiong, a fait savoir jeudi qu’elle prévoyait des licenciements pour réduire son budget de fonctionnement. Aucun chiffre de suppression d’emplois n’a été avancé, mais le plan pourrait concerner une centaine de journalistes, selon plusieurs médias américains. Soit environ un cinquième de la rédaction du « L.A. Times ».

La descente aux enfers de « Sports Illustrated »

Mais ce journal n’est pas le seul à être dans la tourmente. Vendredi, le syndicat américain de la presse a fait savoir que la majorité de la rédaction du magazine « Sports Illustrated », institution du journalisme américain, allait être licenciée par son éditeur, The Arena Group.

Une décision radicale qui fait suite à la révocation d’un accord de licence passé entre Arena Group et le propriétaire des droits de « Sports Illustrated », Authentic Brands Group (ABG), après que le premier a raté une échéance de paiement, fin décembre. Sans donner plus de précision, The Arena Group, qui gère aussi notamment les sites TheStreet et Parade, a confirmé une « réduction significative » de ses effectifs, qui s’élèvent à un peu plus de 100 personnes.

Pour « Sports Illustrated », titre mythique né en 1954, il s’agit là d’une nouvelle étape, peut-être la dernière, dans sa descente aux enfers. Le titre est passé de mains en mains ces dernières années. Le magazine et sa maison mère, Time Inc, ont d’abord été séparés de l’empire Time Warner en 2014, avant d’être rachetés par le groupe de presse Meredith Corporation en 2018. Ce dernier a ensuite cédé « SI » -son surnom- à Authentic Brands en 2019 pour 110 millions de dollars.

Son glorieux passé- premier magazine américain à atteindre le seuil d’un million d’exemplaires vendus par semaine, une diffusion qui montera jusqu’à environ 3,5 millions au début des années 1990- est loin derrière lui. Selon l’organisation de médias AAM (Alliance for Audited Media), les ventes de « SI » étaient tombées à 1,24 million par semaine sur les six premiers mois de 2023 (derniers chiffres disponibles).

Conde Nast taille dans les effectifs

Même les titres pilotés par la charismatique Anna Wintour , directrice éditoriale du groupe Conde Nast, n’échappent pas à cette crise. Mercredi, dans un courriel envoyé aux salariés, cette dernière a annoncé que le magazine américain en ligne « Pitchfork », d’abord spécialisé dans la musique indépendante puis devenu l’un des médias de référence sur l’industrie musicale, aller fusionner avec le magazine masculin « GQ ». Avec à la clé, des licenciements dont le nombre n’a pas été précisé.

Pitchfork avait été racheté par Conde Nast en 2015. A l’automne dernier, le patron de ce groupe avait déjà annoncé le licenciement de 5 % des effectifs, soit environ 300 salariés.

Disparition d’un tiers des journaux

Les causes du mal sont connues depuis nombreuses années : une mauvaise adaptation aux bouleversements induits par l’avènement d’Internet, une diminution des revenus publicitaires, l’érosion du nombre d’abonnés…

Cette crise qui secoue la presse écrite aux Etats-Unis se traduit par son extinction à petit feu, selon le dernier rapport annuel de l’école de journalisme de la Northwestern University. Plus de 130 journaux ont fermé ou été absorbés en 2023 dans le pays, soit 2,5 par semaine, selon ce document. D’ici la fin 2024, les Etats-Unis devraient avoir perdu un tiers de leurs journaux en un peu moins de vingt ans.

 

Lire : Les Echos du 20 janvier

 

Jean-Philippe Behr

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