CCFI

La distribution de la presse française sauvée dans la dernière ligne droite

Le Tribunal de commerce de Paris devrait valider le 1 er juillet la naissance d’un nouveau Presstalis restructuré. Après 120 millions d’euros de pertes de créances pour les éditeurs et un plan de soutien de 127 millions en grande partie financé par l’Etat. Toutefois, de nouveaux défis se présentent.

 

« Un ouf de soulagement. » C’est ce que ressentent notamment Presstalis et son actionnaire à 27 %, la coopérative des quotidiens, laquelle avait proposé un plan de la dernière chance pour sauver au moins en partie cette entreprise, la plus importante en France pour acheminer les journaux et magazines dans les quelque 22.000 kiosques et marchands de journaux de l’Hexagone.

 

Après de nombreuses péripéties et bras de fer avec les magazines et leur coopérative titulaire des 73 % restant du capital, le Tribunal de commerce de Paris devrait valider le montage le 1er juillet. Il y a bien eu des perturbations dans le Sud de la France et il y en a toujours, mais la société a continué son activité ces dernières semaines et surtout, elle ne s’est pas totalement écroulée, comme on le craignait.

 

« On ne peut que saluer l’acharnement des quotidiens depuis avant le confinement pour éviter que le système n’explose », souligne Jean-Clément Texier, un banquier d’affaires spécialiste de la presse.

 

Pour que Presstalis, qui avait déposé son bilan le 21 avril, devienne France Messagerie, son nouveau nom, et se déleste de ce qu’on appelle le « niveau 2 » de la distribution, c’est-à-dire la quarantaine de dépôts régionaux qui acheminent les titres vers les points de vente, il ne manque plus qu’un peu moins de 4 millions d’euros dans le plan de financement. Pas de quoi faire reculer le tribunal, dont la décision sonnera immédiatement la mise en opération de la nouvelle entité.

 

Le plan qui réduit Presstalis à une messagerie proprement dite (relations éditeurs, gestion de flux financiers, etc.) et un prestataire logistique basé à Bobigny (préparation des palettes et distribution) pour la région parisienne va coûter 127 millions d’euros, dont 80 millions apportés par l’Etat (68 millions en dotation et 12 millions en prêts) et 47 millions par les actionnaires-clients de Presstalis.

 

Pour cette partie du financement, la décision du 19 juin de l’Arcep (le régulateur de Presstalis) de forcer tous les éditeurs à payer jusqu’à 2022 la « contribution exceptionnelle » de 2,25 % mise en place en 2018 pour sauver l’entreprise, a assuré le paiement d’un bloc de 27 millions. Les 20 derniers millions payés par les journaux et magazines se partagent en 9 millions pour les premiers et 11 millions pour les seconds (dont les 4 millions que des réfractaires ne veulent pas payer).

1 milliard d’euros de soutien public

 

Les discussions ont été houleuses. Certains éditeurs de magazines, et notamment les plus gros comme Prisma, voulaient d’abord s’assurer que tout le monde paye bien son dû. D’autres, notamment des petits éditeurs, en avaient assez de renflouer Presstalis, qu’ils estiment calibré avant tout pour les quotidiens, depuis des années.

 

Il est vrai qu’en trois mois, comme l’explique Sophie Gourmelen, la directrice du « Parisien », « les éditeurs ont perdu 120 millions d’euros de créances (75 % pour les magazines, 25 % pour les quotidiens) qu’ils ne reverront pas et ce avant contribution au plan de restructuration ».

 

Dans le projet de loi de finance rectificative 3 présenté le 10 juin, « l’entreprise Presstalis se [voit] allouer [au total par l’Etat] près de 200 millions d’euros d’aides, sous la forme de subventions et de prêts », pour financer les 80 millions mais aussi la période perturbée d’avant et après le dépôt de bilan. Pour Jean-Clément Texier, au total, « l’Etat a soutenu la distribution pour le secteur de la presse à hauteur d’environ 1 milliard d’euros en dotations ou prêts au cours du dernier quart de siècle ».

Pas la fin de l’histoire

 

Le montage de France Messagerie n’est cependant pas la fin de l’histoire. D’abord car il y a à régler les mouvements sociaux à Marseille et à Lyon, où le transfert des dépôts à des indépendants fait encore des remous.

 

Mais surtout parce qu’il met aussi sur les rails un rapprochement avec les Messageries Lyonnaises de la Presse (MLP), le concurrent de Presstalis vers lequel des magazines ont déjà décampé. « Sur la coopération avec les MLP, on aurait pu aller plus vite », dit Frédérick Cassegrain, le président de la Coopérative des magazines. Ensuite, le secteur va s’ouvrir davantage à la concurrence en 2023.

 

La disparition du « niveau 2 », confié à des distributeurs indépendants au prix de 512 suppressions de postes bien payés, rend certes la société plus compétitive. Mais il ne faudrait pas que la crise du coronavirus accélère le déclin du papier au point de conduire France Messagerie à une nouvelle restructuration.

 

Lire : Les Echos du 29 juin

 

Jean-Philippe Behr

Nos partenaires

Demande d’adhésion à la CCFI

Archives

Connexion

Vous n'êtes pas connecté.

Demande d’adhésion à la CCFI