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La presse quotidienne réunionnaise dans la tourmente

Placé en liquidation judiciaire le 4 octobre, « Le Quotidien de La Réunion », premier titre de l’île, a quelques semaines pour trouver un repreneur. Son concurrent, « Le Journal de l’Ile », est lui aussi au bord du gouffre.

Les temps sont durs pour la presse quotidienne à La Réunion. Le tribunal de commerce de Saint-Denis a placé « Le Quotidien de La Réunion » en liquidation judiciaire le 4 octobre, à la demande de Carole Chane-Ki-Chune, présidente de la société éditrice du premier titre de presse de l’île.

Le quotidien s’est déclaré en cessation de paiements au 15 septembre. Il est autorisé à poursuivre sa parution pendant trois mois, le temps de retrouver un repreneur. Les candidats à la reprise du journal tiré à 17.000 exemplaires (11.500 ventes) ont jusqu’au 15 novembre pour déposer une offre. Le plan de continuation prévoyant le remboursement de 2,7 millions de dettes sur dix ans, mis en place fin 2021 après une mise en redressement judiciaire, est abandonné.

Dettes abandonnées

Fille du fondateur du titre apparu en 1976, Carole Chane-Ki-Chune explique avoir demandé la liquidation « pour laisser le maximum de chance à l’entreprise de trouver un repreneur ». Son groupe familial, aux activités diversifiées, a déjà renoncé à « dix millions d’euros de dettes internes » pour maintenir le journal en vie mais ne semble plus en mesure de continuer.

Le titre est confronté à l’effondrement de ses recettes publicitaires , aspirées à La Réunion comme ailleurs par les plateformes numériques des Gafam, ainsi qu’à l’érosion continue de son lectorat.

L’autre quotidien local « papier », « Le Journal de l’Ile de La Réunion », au tirage inférieur, est lui aussi en grande difficulté. « On tient parce qu’il vaut mieux venir négocier debout à la barre du Tribunal de commerce », commente Jacques Tillier, président, éditorialiste et actionnaire du JIR après en avoir longtemps dirigé la rédaction.

Moitié d’effectifs en moins

Florissante dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000, où un seul titre pouvait se vendre jusqu’à 40.000 exemplaires, la presse quotidienne insulaire connaît, depuis, une récession ininterrompue. Les rédactions ont perdu la moitié de leurs effectifs, les paginations ont fondu en même temps que les chiffres d’affaires. La flambée du prix du papier et du fret maritime, en 2022, l’ont un peu plus affaiblie.

Le « Quotidien » comme le « JIR » réclament depuis des années un traitement équitable à l’Etat, qui soutient financièrement la presse hexagonale mais, arguent beaucoup, ignore celle des îles. Une première enveloppe globale de deux millions d’euros a été débloquée pour soutenir le pluralisme de la presse ultramarine il y a seulement deux ans.

Rédactions moins étoffées

« La ministre de la Culture a reconnu récemment les contraintes qui nous sont propres, mais les décisions ne suivent pas, déplore Jacques Tillier. La liquidation judiciaire d’un titre comme « Le Quotidien » est un coup de canif inacceptable à la liberté d’expression ».

La disparition à court terme les deux quotidiens locaux ne peut plus être écartée. Dans cette hypothèse, il resterait aux Réunionnais, pour s’informer, divers médias employant des journalistes professionnels, mais aux rédactions beaucoup moins étoffées : les journaux télé et radio du service public et de la chaîne privée concurrente, des sites en ligne, des radios privés, des mensuels économiques…

 

Lire : Les Echos du 6 octobre

 

Jean-Philippe Behr

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