Pierre Lemaitre, Leïla Slimani… De nombreux auteurs phares sont devenus des habitués de la rentrée littéraire d’hiver, qui a su se faire une place dans le calendrier. Plus de 500 nouveaux romans vont débarquer en janvier et février.
L’accalmie fut brève pour les libraires. A peine le cycle de la rentrée littéraire d’automne terminé, avec en point d’orgue les fêtes de fin d’année, qu’ils doivent immédiatement se remettre à l’ouvrage avec l’autre grand rendez-vous du calendrier : la rentrée littéraire d’hiver. D’autant plus que cette année promet d’être particulièrement dense. En tout, 507 nouveaux romans vont débarquer sur les étals des librairies en janvier et février, selon le décompte de « Livres Hebdo ».
Un volume en hausse de 5,2 % sur un an – après deux éditions consécutives en recul -, et supérieur à celui de la dernière rentrée littéraire d’automne (459 romans), qui demeure pourtant le temps fort de l’année, en matière de ventes comme d’exposition médiatique. De quoi confirmer la nouvelle place prise par cette deuxième rentrée littéraire dans le paysage.
« Cela a longtemps été quelque chose d’assez artificiel. Le mois de janvier était traditionnellement creux et la rentrée littéraire d’hiver a d’abord été quelque chose d’un peu commercial pour faire revenir les lecteurs en librairie, expose Muriel Beyer, membre du directoire d’Humensis racheté par Albin Michel. Mais, depuis, elle s’est structurée et joue un vrai rôle. On voit d’ailleurs de plus en plus d’auteurs très connus sortir leurs livres pendant cette période. »
Un millésime 2024 maussade
Cet afflux massif de best-sellers profite à l’ensemble du marché. Les écrivains stars font venir en librairie des lecteurs qui repartent avec des livres d’autres auteurs sous le bras, dont des primo-romanciers : ils seront 70 cette année d’après ‘ Livres Hebdo’ », soit quasiment autant que lors de la dernière rentrée littéraire d’automne (68).
Le millésime 2024 avait été maussade, avec une baisse de 7,7 % des ventes en janvier par rapport à la même période en 2023, à 25,6 millions d’exemplaires neufs écoulés, selon NielsenIQ GfK. En cause notamment : un effet de base défavorable avec un mois de janvier 2023 très fort, porté par l’enquête du journaliste Victor Castanet (« Les Fossoyeurs), les Mémoires du prince Harry ou encore la sortie du deuxième volet (« Le Silence et la Colère ») de la tétralogie de Pierre Lemaitre.
Un cru 2025 très riche
Cette année, l’auteur d’« Au revoir là-haut » (prix Goncourt 2013) fait son retour avec le troisième opus « Un avenir radieux », qui débarquera dans les librairies le 21 janvier et constituera l’un des temps forts de cette rentrée littéraire d’hiver. D’autres sorties devraient aussi porter cette édition 2025 très riche, dont « La Cité aux murs incertains » d’Haruki Murakami ou « Le Temps d’après » (sortie le 15 janvier) de Jean Hegland, pour ce qui est de la littérature étrangère.
En France, Vanessa Springora (« Le Consentement ») a fait son retour avec « Patronyme », Jean Echenoz (Goncourt en 1999 avec « Je m’en vais ») a sorti « Bristol », tandis que Leïla Slimani (Goncourt avec « Chanson douce » en 2016) reviendra, elle, en librairie avec « J’emporterai le feu » le 23 janvier.
Les habitués de l’hiver
Déjà en vue et drainant un socle épais de lecteurs fidèles, ces auteurs peuvent se permettre de sortir dans un moment médiatique plus calme, comparé à l’effusion de la rentrée littéraire d’automne. Certains d’entre eux ont déjà été sacrés par un ou plusieurs prix d’automne, et ne courent donc plus après ces récompenses.
Résultat : on retrouve de plus en plus d’habitués de cette rentrée d’hiver, comme Pierre Lemaitre ou Leïla Slimani justement. Mais aussi Michel Houellebecq. Depuis son Goncourt obtenu en 2010 pour « La Carte et le Territoire », l’auteur a sorti tous ses derniers romans en début d’année. Mécaniquement, ce peloton s’épaissit au fil des ans. Après avoir remporté le prix Interallié en 2023 avec « Humus », Gaspard Koenig sortira son prochain roman lors de la rentrée littéraire d’hiver 2026.
« Les temporalités de la rentrée littéraire d’automne et d’hiver sont très différentes, fait valoir Philippe Robinet, directeur général de Calmann-Lévy. Pour la première, la durée de vie en librairie s’étale du milieu du mois d’août à la fin de l’année tandis qu’avec la seconde, le livre peut perdurer de janvier jusqu’à l’été. On peut donc parfois doubler le temps de présence en librairie. »
Un marathon parsemé d’une flopée de prix littéraires, comme en automne : le prix des libraires, le Grand Prix des lectrices de Elle, Quai du polar, Prix du livre Inter… « Ils sont moins prescripteurs que les plus prestigieux décernés à l’automne, mais ils ont tout de même un effet non négligeable sur les ventes », relève Coralie Piton, qui dirige les éditions du Seuil. A chaque saison du livre ses singularités.
« La Femme de ménage », livre le plus vendu en France en 2024
L’exercice 2024 aura été synonyme de légère marche arrière pour l’industrie tricolore du livre. Les ventes de livres neufs ont reculé de 3 % par rapport à 2023, à 315 millions d’exemplaires, selon NielsenIQ GfK. En valeur, la baisse est moindre (-1 %) grâce aux hausses de prix et le chiffre d’affaires est resté stable, à un peu moins de 4 milliards d’euros.
Cette contre-performance par la baisse du nombre de lecteurs : 23 millions de personnes ont acheté au moins un ouvrage en 2024, soit un recul de 10 % sur un an.
La couronne du livre le plus vendu revient au premier tome de « La Femme de ménage », (Freida McFadden) avec plus de 600.000 ventes. L’ouvrage devance « La Sage-Femme d’Auschwitz » (Anna Stuart), écoulé à 500.000 exemplaires, et « Un animal sauvage » (Joël Dicker), avec 425.000 unités.