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« Le Monde » appartient désormais à un fonds de dotation

Xavier Niel vient de céder la quasi-totalité de ses parts dans le groupe Le Monde au Fonds pour l’indépendance de la presse, sanctuarisant le capital du groupe. Le Monde compte désormais sur une nouvelle source de revenu à la suite de son accord avec OpenAI.

« Le Monde » appartient désormais en majorité à un fonds de dotation. NJJ Presse (appartenant à Xavier Niel) vient de céder la quasi-totalité de ses parts à un fonds de dotation – le Fonds pour l’indépendance de la presse – détenant le quotidien du soir mais aussi « Télérama ». Une opération prévue depuis quelque temps, qui est devenue effective.

Précisément, a été actée l’acquisition, pour la somme de 1 euro, de l’intégralité du capital – moins une action – de NJJ Presse, contrôlée par Xavier Niel, propriétaire du groupe Iliad. Il conserve une action, pour pouvoir réinvestir dans le groupe de presse si nécessaire.

De fait, ce fonds de dotation, présidé par Alain Frachon – ancien directeur éditorial du « Monde » – devient indirectement le premier actionnaire du groupe. A l’avenir, et en cas d’issue favorable du contentieux avec l’héritier de Pierre Bergé (actionnaire lui aussi), toujours pendant devant la Cour de cassation, le capital du groupe Le Monde devrait se répartir entre deux actionnaires : le Fonds pour l’indépendance de la presse, qui pourrait en détenir les trois quarts environ, et le Pôle d’indépendance (comprenant les journalistes et plus globalement le personnel), pour un quart environ, précise le groupe.

Fonds pour l’indépendance de la presse

Prisa reste pour l’instant actionnaire (aux côtés du fonds et à hauteur de 20 %) du Monde Libre – la structure qui détient les 75 % de la société éditrice du « Monde ». « [Le groupe espagnol] a vocation à apporter un jour sa part au fonds », explique Louis Dreyfus, président du directoire du Monde.

Ce Fonds pour l’indépendance de la presse a été créé en 2021 par Xavier Niel dans l’idée de préserver l’indépendance du capital du groupe, après les tensions provoquées par l’entrée indirecte au capital du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky fin 2018. Or, le magnat des télécoms a racheté en septembre, avec l’assentiment des salariés, les parts de Daniel Kretinsky.

Bénéficiaire

« Il n’y a pas beaucoup de grands modèles de médias comme celui-ci. Le ‘Guardian’, par exemple, en est un. L’idée est d’être à l’abri des fluctuations du marché. Nous ne versons pas de dividendes, détaille Louis Dreyfus. Le corollaire est qu’il faut être capable de s’autofinancer. »

Ce type de fonds, entre association et fondation, a déjà été adopté par le site Mediapart en 2019 et le quotidien « Libération » en 2020, rendant le capital de ces entreprises incessible, rappelle l’AFP.

D’où l’importance encore plus grande d’être bénéficiaire. Le groupe a publié ses résultats pour l’exercice 2023, quasi stables, affichant un chiffre d’affaires de 304,5 millions d’euros et un résultat d’exploitation de 9,7 millions (contre 10 millions en 2022). « Les résultats ont été soutenus par la bonne santé des magazines et la croissance des abonnements numériques », reprend-il. Le groupe revendique 540.000 abonnés numériques et quelque 610.000 abonnés totaux en mars 2024. Le revenu moyen par abonné est de 11 euros.

Mais au-delà des revenus des abonnements et de la publicité, « Le Monde » va bientôt compter sur une nouvelle forme de rémunération : le quotidien a en effet signé il y a quelques semaines un accord avec OpenAI (l’éditeur de ChatGPT) : d’un côté, le robot conversationnel va pouvoir s’entraîner avec « Le Monde » et de l’autre, il va s’appuyer sur le journal dans ses réponses, en indiquant un lien vers les articles. Et, ce dès les prochaines semaines.

Négociations avec d’autres acteurs

Si « Le Monde » se refuse à communiquer sur le montant du « deal », pluriannuel, il assure qu’il est « significatif » en termes financiers. « Cela va nous permettre d’être mieux qu’à l’équilibre pour le journal ‘Le Monde’ seul dans le futur », reprend-il.

Les dirigeants du quotidien sont en train de négocier avec d’autres acteurs de l’IA, pour des contrats similaires. « Ce pourra être à terme une source de revenu important, avec surtout une marge élevée », assure Louis Dreyfus. « OpenAI a un rôle d’éditeur en cas d’erreur. Si le robot fait des erreurs, il est prévu contractuellement qu’il est le responsable », ajoute Jérôme Fenoglio, directeur du « Monde ».

 

Lire : Les Echos du 23 avril

 

Jean-Philippe Behr

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