Selon le baromètre La Croix-Verian-La Poste sur la confiance des Français dans les médias, la dégradation de la qualité des informations fait partie des principales craintes, en ce qui concerne l’utilisation de l’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle promet de bousculer toutes les industries. Les médias ne font pas exception. Dans l’audiovisuel comme en presse écrite, des expérimentations sont en cours, et des outils ont déjà été développés. Le public, lui, se montre encore prudent face à l’irruption de cette nouvelle technologie et l’usage qui en est fait dans les journaux.
En témoigne le baromètre La Croix-Verian-La Poste sur la confiance des Français dans les médias, publié ce mardi à l’occasion du festival « Médias en Seine » (organisé par Les Echos-Le Parisien et France Info). Interrogés sur le recours à l’IA dans les médias, les sondés sont opposés à 43 % à l’utilisation de la technologie « pour automatiser la production de certains types de contenus (images, articles courts, agendas, bulletins météo, etc.) ». Mais ils sont 36 % à y être favorables.
Clivage générationnel
« Il n’y a pas de refus en bloc de l’utilisation de l’IA par les médias », estime Guillaume Caline, directeur Enjeux publics et opinion chez Verian (ex-Kantar Public). Les chiffres font même état d’une légère amélioration par rapport à l’édition précédente du baromètre. « Mais il y a bien un clivage générationnel sur cette question », ajoute l’expert. 58 % des Français âgés de 18 à 24 ans sont favorables à l’utilisation de l’IA, contre seulement 29 % des 50-64 ans, et 21 % des plus de 65 ans.
Les craintes liées à l’irruption de l’IA sont liées à l’impact sur les informations fournies par les médias. Selon le baromètre, 47 % des Français redoutent une dégradation de la qualité des infos, quand 29 % estiment qu’elle permettra de l’améliorer. Là aussi, le sujet est générationnel, avec des jeunes qui ont plutôt tendance à faire confiance aux nouveaux outils IA, contrairement à leurs aînés.
Des outils sont déjà utilisés pour accompagner le lecteur sur le plan technique. De nombreux titres de presse utilisent l’IA pour traduire des contenus en langue étrangère, ou bien transformer un texte en pastille audio (à l’instar de la « Playlist de l’actu », dans « Les Echos »).
Prévisions météo, résultats sportifs…
Des chatbots IA proposent aussi au lecteur de rechercher des sujets dans les archives, comme c’est le cas au « Washington Post », avec la fonctionnalité « Ask the Post AI ». Beaucoup de rédactions se servent aussi de l’IA pour faciliter le travail avant l’écriture d’articles (traduction, synthèse de textes, etc.).
Le débat reste encore vif lorsqu’il s’agit d’utiliser l’IA pour un travail assimilé à du journalisme. L’an dernier, l’annonce faite par le groupe Ebra, qui publie plusieurs quotidiens régionaux dont « L’Est Républicain » et « Le Progrès », de l’utilisation de ChatGPT pour corriger et mettre en forme des textes de correspondants locaux avait suscité un réel émoi au sein des journaux concernés.
Si le groupe s’est engagé à ce que toutes les publications soient « initiées et placées sous le contrôle d’une ou d’un journaliste professionnel », il a aussi prévenu que l’IA pourrait être utilisée pour produire des contenus comme les résultats des élections, des prévisions météo, ou encore des résultats sportifs.
Le regard humain
Dans le baromètre La Croix-Verian-La Poste, les Français s’inquiètent principalement de « la perte de l’analyse et du regard humain », un risque cité par 41 % des sondés. Ceux-ci alertent aussi des effets de l’IA sur la création de fausses informations (37 %) ou bien des possibles manipulations dans les informations diffusées (37 %).
« L’important pour les médias sera surtout de faire preuve de transparence dans leurs choix d’adoption de ces nouvelles technologies. C’est une demande qui revient régulièrement chez les sondés », prévient Guillaume Caline. Un travail nécessaire dans un contexte global de grande méfiance des Français envers leurs médias.