Le Conseil d’État va être saisi pour examiner la pertinence de la rémunération des auteurs et éditeurs lorsqu’un livre est revendu sur le marché de l’occasion. Cette idée, formulée par Emmanuel Macron et Rachida Dati pendant le Festival du livre de Paris, divise la filière.
C’est le vœu émis par Emmanuel Macron et Rachida Dati lors du Festival du livre de Paris : que les auteurs soient rémunérés sur les ventes de livres d’occasion lors de la revente de leurs ouvrages.
La proposition, qui intervient après l’étude du ministère de la Culture et de la Sofia dévoilée en avril 2024 et montrant un marché de l’occasion en croissance, a réjoui le Conseil permanent des écrivains (CPE) et le Syndicat national de l’édition (SNE). Dans un communiqué commun, les deux entités ont déclaré : « Auteurs et éditeurs ont travaillé depuis plusieurs mois à élaborer une solution permettant un partage équitable de la valeur générée par la vente de livres d’occasion dont le ministère de la Culture engage l’instruction. La montée en puissance des achats de livres d’occasion, pour partie au détriment du marché premier, s’accélère au point d’en faire un enjeu majeur de politique culturelle. L’étude publiée début 2024 par la Sofia et le ministère de la Culture faisait état d’un marché en pleine croissance sur les dix dernières années, avec un livre sur cinq acheté d’occasion en 2022, représentant un chiffre d’affaires estimé à 351 millions d’euros. »
Une solution en droits d’auteur
Le SNE pousse ainsi une solution passant par le droit d’auteur et qui compenserait l’épuisement du droit de distribution : lorsqu’un auteur a autorisé la reproduction et la commercialisation de son œuvre, il ne peut actuellement s’opposer à sa libre circulation, y compris sous forme de revente. « Notre objectif n’est pas de modifier le droit de suite, comme cela a pu être énoncé. De même, il ne s’agirait pas d’une taxe – la seule taxe sur le livre étant la TVA. Notre approche se concentre sur le droit d’auteur », précise Séverine Weiss, présidente du Conseil permanent des écrivains (CPE). Elle poursuit : « Nous avons des arguments juridiques permettant d’appuyer l’idée que l’épuisement du droit de distribution (à savoir qu’il est parfaitement autorisé de revendre des livres, ce que personne ne conteste) n’empêche pas une rémunération en droit d’auteur. Il s’agirait d’une gestion collective – de récupérer une sorte de redevance auprès des grandes plateformes en ligne, appuyée sur leur chiffre d’affaires, et excluant du dispositif l’économie sociale et solidaire. Les acteurs majeurs du marché, industrialisés et agissant au niveau européen, ont en effet une attitude que l’on peut qualifier de prédatrice et qui nuit à toute la chaîne du livre. Nous demandons tout simplement une forme de compensation pour le préjudice subi, comme cela a pu être fait par le passé, avec le droit de prêt en bibliothèque par exemple – qui n’a pas empêché le développement des bibliothèques –, ou encore avec la copie privée. L’opposition des grands acteurs internationaux risque d’être rude, mais notre proposition n’entrave en rien les échanges sur le marché européen, et ne nuit pas au droit de la concurrence. Les acteurs du monde de la culture ont déjà réussi par le passé à faire valoir leurs droits au niveau européen, et à permettre par exemple une régulation des géants du numérique. »…