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Papèteries de Condat : vie et déclin d’un fleuron industriel français

La manifestation de ce mercredi pour défendre les 187 postes menacés par le plan social intervient après des années d’une longue descente aux enfers pour le plus gros employeur privé de la Dordogne.

Hier, le couperet est tombé sur le site emblématique du Terrassonnais, la papèterie de Condat (24). La direction du groupe Lecta a confirmé son plan social. La ligne de production quatre qui produisait du papier couché est stoppée pour ne conserver que la ligne 8 de production de papier pour étiquette. La moitié de la production s’arrête, 187 des 420 employés vont perdre leur poste.

Ce 11 juillet 2023, le personnel des papèteries de Condat ont la confirmation du plan social qui prévoit l’arrêt total de la ligne 4 et la suppression de 187 postes • ©France 3 Périgords – Bertrand Lasseguette & Anne-Laure Meyrignac

La nouvelle n’est pourtant pas une surprise. Le site tangue sur ses bases depuis de nombreuses années. Le groupe espagnol Lecta subit la tendance, mélange de conjoncture géopolitique défavorable, de crise de l’énergie, de baisse des commandes, de concurrence et, ajoutent amèrement certains, « de mauvaise gestion ».

Une histoire complexe

  • En 1907, les établissements Gillet et fils produisent au Lardin Saint-Lazare, au bord de la Vézère, des produits tannants dans l’usine Progil. En 1923, il y a tout juste cent ans, l’activité s’oriente vers la production de pâte à papier, puis le site se dote d’une première machine à papier.
  • Les Papèteries Condat SA naissent en 1962 avec l’arrivée d’une deuxième machine produisant du papier couché sans bois, un papier lisse, recouvert d’une pellicule de pigments et de liants et destiné à l’impression de luxe, la publicité, la presse ou l’imprimerie. Le papier Périgord possède sa renommée. La production est multipliée par quatre et le personnel passe de 400 personnes à un millier. Tout semble réussir à Condat, qui innove, améliore, réagit et s’adapte aux marchés, passe les écueils de la concurrence. C’est l’heure de gloire du site, devenu premier employeur privé de Dordogne.
  • Peu après, l’usine est rachetée par le groupe Cellulose du pin, propriété de Saint-Gobain et, en 1994, elle entre dans le groupe Jefferson Smurfit Plc en prenant le nom de Smurfit Condat.
  • En 1998, l’investisseur anglo-saxon CVC Capital Partners rachète l’usine pour l’intégrer au groupe industriel européen Lecta, actuel propriétaire. Lecta, basé en Espagne, est présent dans dix pays et possède sept centres de fabrication en Espagne, France et Italie. Un patron solide, mais pas à l’abri des crises pour autant.

Crise tenace

Arrivé au sommet, Condat commence à redescendre de son piédestal. En 2007, la crise rattrape Condat, qui dégraisse ses effectifs d’une centaine de postes. Opération réitérée en 2013, avec 144 postes à nouveau supprimés et la fermeture de sa ligne de production 6. En 2018, le site ne compte plus que 530 employés.

En 2020, il n’y a plus que 420 salariés et le marché reste vacillant. Les pouvoirs publics viennent à la rescousse avec une aide providentielle de 33 millions d’euros censée garantir l’avenir du papetier en restructurant le site dans une opération d’un coût total de 80 millions en deux ans. Pour répondre à la demande, la ligne 8 s’oriente vers les papiers spéciaux, et notamment la glassine, un papier spécialisé, très étanche, résistant à la graisse, l’eau et l’air, utilisé pour les étiquettes autocollantes.

Le papier couché ne s’en relève pas

Dans le contexte d’inflation du prix de l’énergie, de nécessité d’adaptation aux nouvelles normes environnementales, de baisse des commandes, la réaction n’est pas suffisante. Les arrêts sporadiques se multiplient, les lignes s’interrompent, le personnel est mis en chômage technique. C’est dans ce contexte que le 20 juin dernier, Lecta décide de réduire de moitié son activité en fermant sa ligne 4 de fabrique de papier couché, la raison d’être historique du site, et d’amputer à nouveau ses effectifs de 187 salariés.

Et maintenant ?

Même si le personnel affirme qu’un avenir est encore possible, et si l’ensemble du bassin de population se mobilise à partir de ce mardi soir pour manifester son indignation et sa crainte de l’avenir, on imagine mal par quel miracle Condat pourrait renouer avec sa splendeur passée. Certes, on peut attendre des pouvoirs publics qu’ils demandent des comptes et pointent d’éventuelles responsabilités après l’aide substantielle versée il y a peu. Mais, pour le personnel comme pour tous ceux qui vivaient de l’activité du site, il s’agit maintenant d’encaisser le coup, de limiter la casse et, si possible, de rebondir.

 

Lire : France3 Régions du 12 juillet

 

Jean-Philippe Behr

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