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Xavier Niel poursuit le remodelage du contrôle du quotidien « Le Monde »

Xavier Niel rachète l’essentiel des parts de Matthieu Pigasse, principalement en remboursements de comptes courants. Le transfert du groupe à un fonds de dotation est attendu dans quelques semaines.

Xavier Niel continue de remodeler l’actionnariat du « Monde » en faveur d’un transfert du contrôle à un fonds de dotation, après l’épisode houleux de la vente d’une partie des parts de Matthieu Pigasse au milliardaire tchèque Daniel Křetínský à l’été 2018. Celle-ci avait fait craindre une déstabilisation du quotidien du soir.

Le fondateur de l’opérateur télécoms Free va racheter, via son holding presse NJJ, l’essentiel des parts restantes de Matthieu Pigasse dans le holding de ce dernier, Le Nouveau Monde (LNM), qui détient ses parts dans le journal.

L’ex-patron de Lazard voulait il y a un peu plus de trois ans vendre ce holding à Daniel Křetínský sur la base d’une valorisation de 110 millions d’euros. Il n’avait pu lui vendre que 49 % après un bras de fer épique avec Xavier Niel . Les milliardaires tchèque et français ont désormais 49 % chacun et le banquier d’affaires 2 % de LNM.

Comptes courants

Selon nos informations, ce ne sont pas les actions LNM qui ont une grande valeur en elles-mêmes, puisqu’elles ne génèrent pas de dividendes et ne confèrent plus de pouvoir dans le groupe Le Monde. Matthieu Pigasse est surtout payé en remboursement du reliquat d’avances en comptes courants au groupe de presse qui ne lui avaient pas été payées par Daniel Křetínský. Il toucherait moins que les 30 à 40 millions évoqués par la presse. Cela dit, en acceptant le principe d’un fonds de dotation, l’ex-patron de Lazard aurait normalement dû renoncer à toute valeur économique de sa participation…

En tout cas, Matthieu Pigasse ne peut plus vendre ses parts à quelqu’un qui pourrait éventuellement gêner la constitution du fonds de dotation pour contrôler Le Monde. Il garde sa position de co-contrôlant en tant qu’associé et gérant commandité de LML (Le Monde libre), avec Xavier Niel. Il pourrait éventuellement la céder, même – par exemple – à Daniel Křetínský, mais seulement si l’acheteur est validé par le futur fonds de dotation et par les journalistes qui ont un droit de regard grâce à la mise en place d’un droit d’agrément en septembre 2019 .

Apports au fonds de dotation

Le groupe Le Monde est aujourd’hui toujours contrôlé à hauteur de 72,5 % par LML, qui détient aussi 98 % de « L’Obs », et à 25,4 % par un Pôle d’indépendance représentant les salariés et journalistes. LML est, elle, détenue, à parts égales de 27 % environ, par NJJ, LNM et les héritiers de Pierre Bergé, le reliquat de 20 % appartenant au groupe de presse espagnol Prisa qui n’a pas réussi à les vendre et pourrait placer ses actions dans le fonds de dotation.

Comme l’explique le communiqué de presse du « Monde » de mardi, « Xavier Niel s’est […] engagé à ce que tous les titres de LML qu’il détiendrait, directement ou indirectement, soient apportés au Fonds pour l’indépendance de la presse, fonds de dotation créé l’an dernier ». Ce fonds de dotation « enlèvera toute valeur marchande aux actions » et « figera » l’actionnariat, ainsi que l’avait expliqué Xavier Niel au « Figaro » . Pour les journalistes, ce fonds est aussi une garantie supplémentaire d’indépendance alors que Xavier Niel était devenu l’homme fort au capital du groupe. L’acquisition des parts de Matthieu Pigasse annoncée mardi fait partie des opérations à solder pour le transfert au fonds – qui pourrait avoir lieu dans quelques semaines, selon nos informations.

Les titres de Madison Cox

Restera un autre dossier à refermer, celui du transfert des actions de Pierre Bergé léguées à Madison Cox. Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse étaient entrés au capital du Monde en 2010 à un moment où le titre était au bord de la faillite. Ils ont injecté quelque 120 millions sous forme de comptes courants. Aujourd’hui, le groupe dégage une vingtaine de millions de cash-flow.

En 2016, avant son décès, Pierre Bergé avait signé un pacte d’associés avec Xavier Niel et Matthieu Pigasse prévoyant le transfert à ces derniers de sa participation dans LML, valorisée alors à une trentaine de millions, soit le montant de ses apports. Aujourd’hui, les sommes ont été versées mais Madison Cox estime que le pacte de 2016 était caduc et n’a pas remis les actions. Le tribunal lui a donné tort, mais l’affaire est en appel.

 

Lire : Les Echos du 26 janvier

 

Jean-Philippe Behr

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