Le groupe a frappé un grand coup en nouant récemment deux partenariats d’ampleur avec Netflix puis Spotify. Acteur majeur de la publicité en ligne, Amazon est en train de changer de dimension.
C’est un géant de la tech à l’appétit insatiable. Dernièrement, Amazon a frappé un grand coup dans le monde de la publicité en ligne en révélant, à quelques semaines d’intervalle, deux partenariats d’ampleur : la firme de Seattle fournit désormais, à l’échelle mondiale, son DSP maison (« Demand Side Platform », un outil de programmation et de ciblage publicitaire) à Netflix et Spotify, deux mastodontes du streaming.
Un gage de crédibilité pour sa solution adtech, ainsi qu’une illustration éclairante des ambitions grandissantes du groupe dans la publicité. « En France ils sont les seuls à proposer l’intégralité des inventaires des poids lourds du streaming, de Disney+ à Prime Vidéo en passant par Netflix », pointe Arick Abbou, directeur associe en charge des innovations digitales de l’agence média iProspect.
« Leur positionnement n’est plus le même et on ne peut plus considérer Amazon comme un simple acteur d’un seul segment du marché. C’est désormais un acteur publicitaire global et mondial, comme Meta ou Google », précise-t-il.
Près de 30 milliards de dollars de revenus en six mois
Ces dernières années, Amazon est devenu un poids lourd de la publicité en ligne, confirmant la prophétie de Sir Martin Sorrell – l’ancien grand manitou du géant britannique de la pub WPP -, qui l’avait qualifié, dès 2017, de « troisième force » sur ce marché dominé par le duopole Google-Meta.
Lors du premier semestre, les revenus publicitaires d’Amazon ont frôlé les 30 milliards de dollars. Un niveau qui le situe loin de Meta (88 milliards de chiffre d’affaires sur la même période) et d’Alphabet (138 milliards), mais a progressé de plus de 20 % en un an.
La spécialité historique d’Amazon dans la publicité ? Le « retail media », un idiotisme qualifiant tout ce qui a trait à la monétisation des espaces publicitaires sur les sites marchands des grands commerçants ainsi que de leurs données clients. Expert de l’e-commerce, Amazon a su parfaitement s’appuyer sur sa plateforme et son audience pour devenir un as de la publicité.
Très prisée, la place de marché d’Amazon dispose d’un gisement unique : les très granulaires données comportementales d’achat de ses utilisateurs permettant aux annonceurs de cibler finement les campagnes. Le nerf de la guerre dans la publicité en ligne.
Et ces datas transactionnelles ont fait office de rétropropulseur pour son DSP, puisque les grandes marques peuvent s’appuyer sur celles-ci pour orchestrer des campagnes publicitaires sur des sites tiers en utilisant la solution adtech du groupe de Seattle.
Un segment de marché concurrentiel
Au sein du complexe et vaste réseau de tuyauterie de la publicité en ligne, le DSP est l’outil qui permet aux annonceurs de programmer et cibler leurs campagnes tout en centralisant leurs opérations d’achats publicitaires. Une brique technologique majeure qui donne accès aux inventaires des écosystèmes avec lesquels le DSP est branché.
« La force d’un DSP, c’est de proposer l’inventaire le plus large possible, ce qui permet de centraliser tous vos achats médias et d’optimiser vos campagnes et vos frais. Amazon est par exemple le seul à proposer des achats unifiés pour toutes les plateformes de streaming, note Guillaume Grimbert, patron de l’adtech Greenbids. Mais il faut aussi pouvoir proposer un inventaire unique pour se différencier, ce que fait Amazon avec sa place de marché ou Prime Video, de même que Google avec YouTube ».
Contrairement à d’autres maillons de la chaîne de la publicité en ligne, ce segment de l’adtech n’est pas ultra-dominé par Google et ses solutions maison (DV360 et Google Ads) ; ce dernier n’a d’ailleurs pas été condamné sur le pan de marché des DSP par la justice américaine, dans le cadre de son procès antitrust, qui a jugé qu’il faisait face à une rivalité en bonne et due forme. Et pour cause…
Refonte du DSP
« Amazon fait mal à tout le monde avec son DSP. Si Microsoft a récemment arrêté sa solution Xandr, ce n’est pas étranger à la montée en puissance d’Amazon, croit savoir un expert de la publicité. Ils ont lourdement investi dans leur interface DSP pour la mettre à niveau. Amazon mène aussi une politique de prix très agressive pour gagner des parts de marché, ce qui témoigne de leur ambition ».
Parmi ses rivaux, on compte ainsi l’adtech The Trade Desk (TTD) qui a fait son entrée cet été au S&P 500, le saint des saints boursiers américains. Mais à l’annonce du partenariat entre Amazon et Netflix début septembre, son cours a chuté de près de 12 %.
« Le DSP d’Amazon se développe plus rapidement que prévu », ont fait valoir les analystes de Morgan Stanley dans une note où ils revoient les perspectives de TTD à la baisse pour cette raison notamment. Comme à chaque fois qu’il accélère sur un nouveau marché, Amazon a la délicatesse d’un tank dans un magasin de porcelaines.






































