L’Alliance de la presse d’information générale a saisi l’Autorité de la concurrence contre Meta, sur la question des droits voisins, peu après la Société des droits voisins (DVP). Elle juge la proposition de rémunération « insultante » de la part du géant américain. La presse dénonce un abus de position dominante.
La presse part, de nouveau, en guerre contre Meta. Selon nos informations, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), regroupant quelque 300 titres, vient de saisir l’Autorité de la concurrence (ADLC) contre la maison mère de Facebook et d’Instagram sur la question des droits voisins, invoquant un abus de position dominante.
Plus précisément, dans la saisine que « Les Echos » ont pu consulter, l’Apig pointe du doigt Meta, qui refuse, selon elle, de rémunérer les éditeurs de presse française comme la loi l’exige. L’organisation fustige un changement de position du géant américain, par rapport aux accords conclus en 2021, proposant alors une double licence aux éditeurs : une rémunération pour la reprise et le traitement des publications au titre des droits voisins ; une autre licence notamment pour Facebook News, qui a été arrêté fin 2023. Au total, la rémunération annuelle était de plus de 22 millions de dollars.
« Revirement »
Or, « en seulement trois ans, Meta a opéré un revirement aussi spectaculaire que problématique », regrette l’Apig. Meta a informé la presse que l’accord précédent arrivé à son terme ne serait renouvelé « qu’à condition d’accepter des conditions de rémunérations insultantes, incluant une baisse d’environ 80 % des montants ». Les derniers pourparlers se faisaient sur la base d’une rémunération annuelle globale de 4,5 millions.
Le document souligne que les montants versés par Meta par le passé représentaient une part significative du chiffre d’affaires de certains éditeurs, allant de 1 à 16 % des revenus numériques, selon les titres. Selon l’Apig, les réseaux sociaux apportent presque 8 % du trafic des éditeurs.
L’Alliance est d’autant plus remontée que les revenus de Facebook ont progressé de 40 % entre 2022 et 2024 et que les éditeurs connaissent une popularité croissante sur ce réseau.
« Meta tente d’imposer des conditions de transaction inéquitables à des acteurs qui ne sont pas en position de résister à son pouvoir de marché », peut-on lire dans la saisine. La société californienne abuserait ainsi « de la position dominante » qu’elle occupe sur le marché européen des réseaux sociaux. La presse demande à l’ADLC qu’elle sanctionne Meta.
La presse n’avait pas vraiment le choix que d’aller au conflit : les négociations entreprises n’ont pas abouti et la société de Mark Zuckerberg ne donne pas suffisamment d’informations pour vérifier la valeur des contenus, toujours selon l’Apig. Meta aurait, en outre, modifié l’affichage des articles des journaux sur Facebook afin d’influencer l’issue des discussions, ce qui est un détournement de la loi.
Mesures conservatoires
L’Apig demande, parallèlement à cette saisine, des mesures conservatoires dans la mesure où les agissements de Meta privent la majeure partie de la presse française des droits voisins, alors que le secteur est dans une situation de « grande fragilité ». Les éditeurs ne touchent aucune rémunération de Meta depuis fin janvier 2025. Cette situation pourrait conduire à des fermetures de sites Internet et à des réductions d’investissements, prévient-elle.
Avant un jugement sur le fond, l’Apig demande ainsi à l’ADLC d’obliger Meta à négocier de « bonne foi », de communiquer les informations nécessaires à l’évaluation de la rémunération, mais aussi de maintenir les montants précédents durant la durée des négociations et de fixer un temps défini de discussions (à trois mois).
Selon nos informations, la Société des droits voisins de la presse (DVP), organisme de gestion collective, représentant 600 publications dans l’audiovisuel, la presse magazine, spécialisée, les pure players ou agences de presse etc., a aussi saisi l’ADLC en juillet sur la question des droits voisins et demande aussi des mesures conservatoires contre Meta.
Les éditeurs espèrent avoir gain de cause devant l’antitrust français, alors qu’en 2021, l’ADLC avait infligé une amende record à Google, de 500 millions d’euros, pour avoir négocié de mauvaise foi avec les éditeurs. Puis, de nouveau en 2024, le géant américain avait écopé de 250 millions d’euros pour le non-respect de certains engagements pris en juin 2022 sur cette question des droits voisins.
Procès en Espagne
Ce n’est pas la première fois que Meta est visé par des plaintes. Il y a quelques jours s’est tenu le procès qui oppose le géant américain de la tech aux éditeurs de quelque 80 journaux espagnols, à Madrid. Les plaignants dénoncent les pratiques du groupe et l’attaquent pour concurrence déloyale en matière de publicité segmentée. Ils réclament 550 millions d’euros en compensation du préjudice subi et du manque à gagner sur cinq ans.
Le jugement attendu en octobre – ou au plus tard début novembre – sera d’autant plus suivi qu’en France, en avril dernier, un groupe d’éditeurs avait déposé une plainte, accusant Meta d’avoir contourné les règles sur la protection des données personnelles.
Contacté, Meta n’a pas souhaité faire de commentaires.






































