Xavier Pryen s’est remis en quête d’un acquéreur pour cette maison d’édition indépendante qui traverse une crise sans précédent. Son fondateur, Denis Pryen, a saisi la justice en 2024 et accuse son neveu d’expropriation. Depuis, les deux camps se déchirent.
Voilà bientôt deux ans que les éditions L’Harmattan sont embourbées dans un rude conflit familial. Révélé par « Le Monde » fin 2024, celui-ci oppose le fondateur du groupe, Denis Pryen et son fils Guillaume d’un côté, à son neveu Xavier Pryen entré dans le groupe au début des années 2010. Ce dernier est accusé par son oncle et son cousin d’expropriation, d’avoir asséché la trésorerie de la société et d’en organiser le démantèlement.
Alors que L’Harmattan souffle cette année sa cinquantième bougie, Xavier Pryen – qui détient 65 % de la holding HDP possédant l’intégralité du capital du groupe -, a décidé de relancer la vente du pôle livre. Un processus à l’arrêt depuis le début du conflit.
« L’Harmattan est soit trop petit, soit trop gros. Il est temps de passer à une autre échelle, estime Xavier Pryen, dirigeant du groupe. Ce qui va nécessiter des investissements, que nous ne sommes pas en mesure de faire, pour s’adapter aux changements à l’oeuvre dans l’industrie, dont l’IA. On n’exclut rien, y compris une vente par appartements. »
Immense fonds de 65.000 oeuvres
Dans le détail, le pôle livre de la société a pour principal actif les éditions L’Harmattan qui génèrent les trois quarts de ses revenus via les sciences humaines et les essais. Le groupe possède un immense fonds de 65.000 oeuvres pesant pour 60 % de ses revenus qui lui assurent un fonds de roulement récurrent.
« En 2025, les revenus du pôle livre vont baisser de 8 %, à près de 10 millions d’euros et nous allons être en perte pour la première fois depuis longtemps. C’est une conséquence du conflit qui a écorné l’image du groupe », fait valoir Xavier Pryen qui valorise celui-ci « entre 5 et 10 millions ». Les éditions L’Harmattan sont à même d’intéresser des industriels, ainsi que des groupes de média et/ou de divertissement au sens large. Reste à voir si le groupe suscitera de l’intérêt, alors que les deux camps se déchirent toujours et que l’incertitude judiciaire demeure.
Fin 2024, Denis Pryen et son fils Guillaume ont porté plainte contre X auprès du parquet de Paris. Selon Mediapart, celle-ci s’est traduite par l’ouverture d’une enquête préliminaire des chefs d’escroquerie et d’abus de faiblesse.
« C’est surréaliste, mon oncle a signé tous les papiers depuis quinze ans. Aucune action en justice lancée par lui et mon cousin n’est suspensive pour une revente. Ils n’ont pas de minorité de blocage, seulement une capacité de nuisance », affirme Xavier Pryen qui avait, lui, lancé une requête devant le tribunal de commerce de Paris, en octobre 2024, qui a débouché sur une conciliation en février.
« C’est irrationnel »
« Cela n’a rien donné car ils ne veulent ni me racheter mes parts ni me céder les leurs. C’est irrationnel. » En septembre, Xavier Pryen les a attaqués en justice et leur demande des dommages et intérêts, notamment pour préjudice de manque à gagner, d’image, et dévalorisation de l’entreprise.
« Je m’en remets entièrement à la justice. La question de la spoliation est entre ses mains, ainsi que le signalement de la Miviludes qui a saisi le parquet au titre de l’article 40 [ce qui a débouché sur une enquête préliminaire du chef de harcèlement moral au travail contre un « coach » impliqué dans le management du groupe et proche de Xavier Pryen, NDLR], comme la presse en a rendu compte », déclare Denis Pryen.
« La Brigade financière et la Brigade de répression de la délinquance aux personnes font leur travail, je leur fais entièrement confiance. Par ailleurs, c’est la destruction qu’accomplit Xavier Pryen qui a éliminé une centaine de directeurs de collections, la force et la reconnaissance de L’Harmattan », poursuit l’éditeur.
Combat contre le collectif de directeurs de collection
En parallèle de ce bras de fer, un autre front est ouvert. Afin de soutenir publiquement Denis Pryen et de s’opposer à son neveu, le collectif L’Harmattan a été créé en 2024 et dit fédérer 180 directeurs de collection ayant travaillé ou étant encore impliqués dans la vie de la maison d’édition.
« Depuis 1975, il y a eu plus de 500 directeurs de collections. Parmi les signataires, seule une vingtaine était active », soutient Xavier Dryen – des chiffres contestés dans le camp d’en face où assure que plus d’une centaine était active avant d’être congédiée par ce dernier.
« La recomposition du pôle éditorial a permis de structurer, recruter et renforcer le lien avec les directeurs actifs et impliqués », ajoute Xavier Pryen. En septembre, il a lancé une action en justice et demande plus de deux millions d’euros, en tout, à trois personnes impliquées dans ce collectif, pour plusieurs motifs dont attitude déloyale ou diffusion d’informations erronées et malveillantes.
« C’est une action en diffamation déguisée. Et une manière de mettre la pression sur l’ensemble des directeurs de collection pour les empêcher de parler », estime Isabelle Wekstein, avocate du cabinet Wan qui représente Jacques Poulain, président du collectif L’Harmattan, faisant partie des personnes assignées. Les prochains chapitres de la longue histoire de L’Harmattan s’annoncent agités.






































