Denis Pryen a lancé une action judiciaire visant à bloquer le processus de cession récemment réinitié par son neveu et dirigeant du groupe, Xavier Pryen. Depuis bientôt deux ans, deux camps se déchirent au sein de L’Harmattan.
Le fondateur de L’Harmattan ne rend pas les armes. En conflit avec son neveu Xavier Pryen, qui vient de relancer la vente du pôle livre du groupe, Denis Pryen et son fils Guillaume contestent plusieurs décisions prises par le dirigeant du groupe, via un référé-rétractation actuellement examiné par le tribunal des activités économiques de Paris. Cette procédure à bref délai pourrait permettre de bloquer la cession de la maison d’édition, selon le fondateur de L’Harmattan. Une première audience est prévue en décembre.
« Nous avons été exclus de manière unilatérale, avec mon fils Guillaume, du comité stratégique du groupe par Xavier Pryen, qui a nommé son père, Jacques Pryen, à notre place, a fait nommer un nouveau commissaire aux comptes – que nous avons mis en cause au pénal pour faux et usage de faux – et a fait approuver les comptes irréguliers au regard des plaintes déposées, fait valoir Denis Pryen. Nous voulons faire annuler toutes ces décisions en cascade qui ont bafoué la gouvernance et l’intérêt social. Mon neveu s’est octroyé illicitement le pouvoir de vendre qu’il ne détient pas. »
Accusations d’expropriation
« Face au blocage systématique de la gouvernance par les minoritaires, qui empêchaient la tenue d’assemblées générales et le fonctionnement du comité stratégique, nous avons dû engager une action en justice et les révoquer car ils entravaient le bon fonctionnement de l’entreprise, répond Xavier Pryen. Nous faisons confiance au tribunal de commerce quant à l’issue de cette procédure, entamée pour la bonne marche de l’entreprise. Nous n’imaginons pas que cela puisse bloquer le processus de cession. »
Fondé en 1975, L’Harmattan est en proie à un conflit depuis près de deux ans. Révélé par « Le Monde », fin 2024, celui-ci oppose deux camps de la famille Pryen. Entré dans le groupe au début des années 2010 et détenant 65 % de la holding HDP possédant l’intégralité du capital de L’Harmattan, Xavier Pryen est accusé par son oncle et son cousin d’expropriation, d’avoir asséché la trésorerie de la société et d’en organiser le démantèlement.
Fin 2024, Denis et Guillaume Pryen ont porté plainte contre X auprès du parquet de Paris. Selon Mediapart, celle-ci s’est traduite par l’ouverture d’une enquête préliminaire des chefs d’escroquerie et d’abus de faiblesse.
« Nous aimerions mener d’autres actions au civil, mais nos moyens sont comptés, affirme Denis Pryen. Eux multiplient les procédures pour nous asphyxier financièrement en utilisant les ressources de l’entreprise, dont la somme tirée de la vente du théâtre Lucernaire (cédé début 2024 au fonds Adhema, dirigé par le comédien Maxence Gaillard, pour plus de 7 millions d’euros), réalisée avec une fausse signature, et sur laquelle nous n’avons pas touché un seul centime. »
« L’argent de la vente du Lucernaire est resté intégralement dans le groupe. Je réfute catégoriquement les allégations de Denis Pryen (fausse signature, abus de faiblesse) qui invente un récit pour décrédibiliser les actions et les travaux réalisés », rétorque Xavier Pryen.
En septembre, ce dernier a attaqué son oncle et son cousin en justice. Il leur demande des dommages et intérêts, notamment pour préjudice de manque à gagner et dévalorisation de l’entreprise. Xavier Pryen soutient que le conflit a écorné l’image du groupe, et qu’il a eu pour conséquence de faire reculer les revenus du pôle livre de 8 % sur l’année en cours. Ce qui va se traduire par un exercice 2025 en perte.
Le dirigeant leur reproche aussi d’avoir fait capoter la conciliation, faite sur sa requête en début d’année devant le tribunal de commerce de Paris. Il leur proposait de racheter leurs parts ou, à défaut, de leur revendre les siennes.
Des comptes dans le rouge
« Notre but est de récupérer la propriété de L’Harmattan. Mais il n’était pas question de débourser 4 millions d’euros pour un actif qui nous a été volé, d’autant que nous n’en avons pas les moyens, répond Denis Pryen. Xavier Pryen parle de modèle associatif alors que nous avons toujours été très rentables, à la pointe du numérique, et sommes restés indépendants pendant cinquante ans. »
Lors de l’exercice fiscal clos mi-2024, avant que le conflit ne soit médiatisé, les revenus de L’Harmattan ont chuté de plus de 7 %, affirme le fondateur. Et d’ajouter : « Nous avons toujours eu, en moyenne, 300 directeurs de collection, et mon neveu en a banni une centaine parce qu’ils se sont opposés à la vente début 2024. C’est sa gestion et celle du ‘coach’ Yves Bucillat [après signalement de la Miviludes, une enquête préliminaire du chef de harcèlement moral au travail a été ouverte contre lui, NDLR] sur lequel il s’est appuyé qui détruit L’Harmattan. »
« Il était impératif de transformer L’Harmattan pour en faire une entreprise qui puisse aborder le marché, assure Xavier Pryen. C’est cette transformation, et la volonté de céder l’entreprise qui n’a jamais été acceptée par Denis Pryen. »






































