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La condamnation de Meta à une lourde amende en Espagne donne de l’espoir aux médias français

Le géant de la tech avait été attaqué en justice par un groupe de médias locaux qui lui reprochaient de ne pas avoir respecté la réglementation sur la protection des données personnelles. Meta a désormais le regard tourné vers la France où une plainte similaire a été déposée.

La croisade des médias contre les géants de la tech se poursuit. Une nouvelle bataille vient d’être remportée par la presse en Espagne où la justice a condamné Meta, maison mère de Facebook et d’Instagram, à verser 479 millions d’euros à un groupe de médias locaux pour « concurrence déloyale ».

Le groupe de Mark Zuckerberg est accusé de ne pas avoir respecté la réglementation sur la protection des données personnelles, explique ce jeudi un tribunal madrilène. « Le tribunal de commerce n°15 de Madrid condamne Meta à payer 479 millions d’euros à 87 éditeurs de presse numérique espagnole et agences de presse membres de l’AMI (Association des médias d’information) pour avoir obtenu un avantage concurrentiel significatif en réalisant de la publicité sur ses réseaux sociaux Facebook et Instagram en violation du règlement général sur la protection des données (RGPD) », indique le communiqué.

Cette décision de justice, rendue mercredi, prévoit également le versement par Meta de plus de 60 millions d’euros au titre des intérêts légaux. L’indemnisation devra aussi concerner l’agence Europa Press, non membre de l’AMI.

Gain de plus de 5 milliards d’euros

Cette condamnation est le fruit d’une bataille judiciaire entamée par l’AMI en décembre 2023. A cette date, l’association dépose une plainte contre Meta Irlande, siège européen du groupe, lui réclamant 551 millions d’euros pour concurrence déloyale dans la vente de publicité numérique. L’AMI reproche au géant américain de la tech d’avoir utilisé les données des internautes sans leur consentement afin de créer des profils publicitaires individualisés.

La justice espagnole a estimé que pendant les cinq années qu’a duré l’infraction (du 25 mai 2018, date d’entrée en vigueur du RGPD, au 1er août 2023, date à laquelle Meta propose à nouveau à l’utilisateur de donner ou non son consentement), Meta a gagné en Espagne, avec son activité publicitaire en ligne, plus de 5 milliards d’euros.

Le juge a estimé qu’une partie de cet argent devait « être redistribuée aux autres concurrents du marché publicitaire espagnol, parmi lesquels la presse numérique espagnole » car cette somme a été gagnée « en violant le RGPD ». Le tribunal a jugé que la presse numérique espagnole avait subi un manque à gagner dû aux actions de Meta et une « perte de revenus en publicité numérique ».

Presse française aux aguets

Cette décision de justice était particulièrement attendue côté français. En avril dernier, une plainte similaire a en effet été déposée contre Meta par une large coalition de médias français, rassemblant des groupes de télévision, de radio et de presse écrite (TF1, Radio France, Prisma Media, France Télévisions, le groupe BFM-RMC, le Groupe Les Echos-Le Parisien, CMI Media…). Ces derniers reprochent aussi à Meta d’avoir tiré profit de la violation, reconnue en 2024 par les instances européennes, du règlement européen sur la protection des données personnelles. L’alliance des médias réclame plus d’un milliard d’euros de préjudice commercial.

En France, Meta est aussi attaqué sur le dossier des droits voisins. En octobre dernier, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), regroupant quelque 300 titres, a saisi l’Autorité de la concurrence (ADLC) contre la maison mère de Facebook et d’Instagram sur cette question, invoquant un abus de position dominante.

La Société des droits voisins de la presse (DVP), représentant 600 publications dans l’audiovisuel, la presse magazine, spécialisée, les pure players et agences de presse, a également saisi l’ADLC en juillet sur la question des droits voisins et demandé des mesures conservatoires contre Meta.

« Un pouvoir informatif et économique immense »

Sur ce dossier brûlant des droits voisins, l’ADLC a déjà sévi contre Google en lui infligeant, en 2021, une amende record de 500 millions d’euros. En 2024, le géant américain avait à nouveau écopé de 250 millions d’euros d’amende pour le non-respect de certains engagements pris sur cette question des droits voisins.

Conscient de la portée de son jugement, le tribunal espagnol a rappelé ce jeudi que la condamnation de Meta avait pour but de souligner « le rôle fondamental de la législation en matière de concurrence dans le contrôle des abus lié au traitement illicite des données personnelles et le pouvoir informatif et économique immense des géants technologiques ».

Lire : Les Echos du 20 novembre

Jean-Philippe Behr

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