Malgré une baisse de ses ventes en France, « Elle » célèbre ses 80 ans en réaffirmant son statut d’icône. Le magazine, qui a une forte présence internationale, s’est largement diversifié. Il entend séduire de nouvelles générations tout en restant fidèle à ses valeurs historiques.
Une jeune femme blonde, fort souriante, gracieuse et « clichée », caressant un chat. La couverture du premier numéro de « Elle », qui s’était arrachée à l’époque d’après-guerre, donnait le ton en 1945 d’un magazine devenu iconique.
Au fil des ans, « Elle » s’est largement internationalisée et la marque s’est déclinée, mais la formule initiale d’Hélène Lazareff n’a finalement pas tant changé : « Le sérieux dans la frivolité, l’ironie dans le grave ». Le magazine, qui fête ses 80 ans, est devenu une véritable institution, emblème de combats féministes, un compagnon des problématiques des femmes (sur des sujets souvent considérés comme tabou dans les années 1950-1960) mais aussi sujet de polémiques sur les injonctions de beauté faites aux femmes.
Présent dans près de cinquante pays
« Elle » est un empire : le chiffre d’affaires de la marque est évalué à environ 1 milliard d’euros (médias et retail hors médias). Et la « vieille dame » est connue dans le monde entier : au travers de licences avec des partenaires comme Hearst, le magazine est présent dans 47 pays, des Etats-Unis au Japon, en passant par l’Ouzbékistan, et bientôt les pays Baltes. Au total, « Elle » revendique plus de 32 millions de lecteurs print, et plus de 100 millions de visiteurs uniques mensuels.
C’est Lagardère qui détient toujours la marque et octroie les licences (contre 3 % à 7 % de royalties dans les médias), même s’il a accordé une licence exclusive au groupe CMI de Daniel Kretinsky, en 2019, pour la France. Une charte de presque 1.000 pages définit les valeurs et les codes de « Elle » et « chaque pays l’adapte à ses particularités. Par exemple, il y a en France plus de sujets sociétaux qu’en Asie, davantage axés sur la mode et beauté, explique Constance Benqué, présidente d’Elle International. Nous avons un droit de regard sur les choix éditoriaux des différentes éditions. »
Ainsi, il y a quelques années, une couverture en « Russie » avait dû être changée, car la mannequin était trop dénudée. C’est encore Elle International qui assure la commercialisation des espaces publicitaires au niveau mondial (en dehors du pays d’implantation).
Des cafés, des spas, des résidences…
« Elle » a développé une vaste politique de diversification allant d’articles de mode aux résidences « griffées » à Miami, Dubaï et Sao Paulo, en passant par des cafés, des hôtels, des spas, etc. « L’attractivité de la marque est très forte en Asie et en Amérique du Sud en particulier », reprend la dirigeante.
Au total, Lagardère News communique sur des revenus de l’ordre de 600 millions d’euros générés par les licenciés dans le monde, en valeur des ventes des produits sur lesquelles Lagardère prend des «royalties» (entre 3 % et 10 %). Pour séduire le monde entier, l’hebdomadaire français doit rester une référence. « C’est notre vaisseau amiral », appuie Constance Benqué. Et, de fait, il reste emblématique.
Chute de la presse féminine
Mais, il a fortement souffert. « Elle » a perdu 9,6 % en diffusion sur juillet 2024 – juin 2025 comparé à la même période un an plus tôt, selon l’ACPM, après avoir baissé de 8,6 % en 2023. Véronique Philipponnat, directrice du « Elle » hexagonal, y voit une « baisse structurelle de la presse », alors que l’univers des féminins a chuté de 40 % entre 2014 et 2024 ! « Aujourd’hui, on peut s’informer sur des contenus mode et beauté sur les réseaux sociaux, etc. » note-t-elle. La publicité, non plus, n’est pas au beau fixe alors qu’elle représente environ 60 % du chiffre d’affaires.
D’où la nécessité encore plus forte pour le magazine de « booster l’engagement » (il a 15.000 abonnés purs numériques) et de miser sur le digital en étant très présent sur les réseaux sociaux – au travers de vidéos (1,3 milliard de vidéos vues entre octobre 2024 et octobre 2025), notamment avec Loopsider, dont CMI est actionnaire. En 2026, le magazine va travailler avec une agence spécialisée pour notamment réfléchir à sa maquette, développer de nouvelles verticales, et renforcer le numérique.
Un quart de lecteurs masculins
« Elle » a su entretenir un lien fort avec ses lectrices – et ses lecteurs, au masculin, qui représentent un quart de la diffusion – que le magazine cherche à conforter par des conférences, des événements aussi bien que par des « coups » éditoriaux, comme l’interview récente avec Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023 ou des couvertures sur le mouvement #MeToo.
Pour les 80 ans de « Elle », la marque s’affirme avec un numéro spécial mais aussi une exposition, un livre ou encore un documentaire, diffusé lundi sur T18. Afin de rappeler que la « vieille dame » a encore de belles années devant elle.






































