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À Paris, une maison d’édition opère un virage 100 % vert

La maison Tana Éditions, filiale du groupe Editis située dans le 13e arrondissement parisien, s’est lancée cette année 2019 un pari fou : devenir « green » des pieds à la tête, aussi bien au niveau de sa ligne éditoriale qu’en termes de fabrication de ses ouvrages.

Depuis janvier dernier, la maison Tana met un point d’honneur à devenir éco-responsable, aussi bien sur le fond de ses ouvrages que sur la forme. « En écho à leur logo, le scarabée, animal sacré de l’Egypte Ancienne, indispensable à la fertilisation des sols et pourtant menacé d’extinction par le changement climatique, et à leur nom hérité du lac Tana, l’un des berceaux du Nil, les éditions Tana étaient prédestinées à jouer un rôle essentiel dans la prise de conscience des enjeux écologiques et contribuer ainsi au changement », avance l’équipe de Tana dans un communiqué. ID a souhaité en savoir plus sur la démarche de cette maison qui s’engage, et s’est entretenu avec Suyapa Hammje, sa directrice éditoriale.

ID : Qu’est-ce qui a mené Tana Éditions à devenir un label éco-responsable ?

Suyapa Hammje (S.H.) : La maison d’édition Tana, qui fait partie du groupe Editis, existe depuis 2003 avec un petit catalogue de beaux livres aux sujets très urbains. Avant de la rejoindre comme directrice éditoriale en janvier 2019, je m’occupais du département santé/psychologie/bien-être des Editions Solar. Depuis un an, je défendais auprès de la direction le fait qu’on se mette à réfléchir à un label « green ». Ca me tenait à cœur en tant qu’éditrice, mais également par conviction personnelle. Même dans le domaine de la santé où j’ai également travaillé, j’ai toujours cherché à mettre en avant les médecines douces et alternatives, et une manière différente de voir le rapport au monde et au corps. C’est d’ailleurs à partir de là que je me suis dit qu’il existait aujourd’hui un lectorat en demande, prêt à aller encore plus loin. La personne qui s’occupait de Tana est partie et dès lors, on m’a proposé de m’en occuper pour deux raisons : le fait que ce soit un label petit possédant une plus grande proximité avec ses lecteurs plus proche que les grandes maisons d’édition généralistes, et aussi parce qu’il avait déjà en lui l’ADN permettant de le transformer en label écolo.

Le but est d’amener un maximum de personnes à se sentir concernées par cette transition écologique et de faire en sorte que cette part de colibri présente en nous grandisse assez pour faire bouger les choses.

ID : Diriez-vous qu’il s’agit d’un véritable retournement de situation chez Tana ?

S.H. : Ce passage « au vert » était déjà en germe chez Tana. Par exemple, on a une collection qui marche très fort, la collection Tout faire soi-même : on est à 60 000 exemplaires de livres vendus. Ou encore, Le potager du paresseux, récemment augmenté et illustré. C’est un ouvrage signé Didier Helmstetter, un ancien ingénieur agronome qui, pour la petite anecdote, a commencé à ressortir ses livres d’étudiant à la suite d’un accident. Il a revu son potager différemment pour apprendre à s’occuper essentiellement de la fertilisation des sols. Ces ouvrages constituent la transition entre l’ancien et le nouveau Tana. Mais globalement les thèmes abordés étaient plus vastes auparavant. L’idée aujourd’hui avec ce label, est de s’inscrire complètement dans la philosophie de la transition écologique en la déclinant sur différents supports et thématiques : écologie pratique, écologie spirituelle, éco-féminisme, nouvelles utopies, roman… À chacun son livre et à chacun son action.

ID : Quel est pour vous l’objectif de cette transition ?

S.H. : Le but est d’amener un maximum de personnes à se sentir concernées par cette transition écologique et de faire en sorte que cette part de colibri présente en nous grandisse assez pour faire bouger les choses. Je veux inviter les gens à prendre ce chemin, et qu’ils aient envie de le prendre soit en entrant par la porte de l’éco-féminisme, soit en lisant un livre sur le climat, soit en consultant un ouvrage pour apprendre à fabriquer ses produits ménagers…

ID : Désormais, on ne trouvera donc chez Tana Éditions que des ouvrages tournés vers la transition écologique ?

S.H. : Oui, à 100 %. On produit entre 25 et 30 titres par an, ce n’est pas beaucoup.

ID : Au-delà des auteurs engagés mis en avant, la transition de Tana s’opère aussi au niveau du papier et de l’encre ?

S.H. : Effectivement, on ne peut évidemment pas avoir une fabrication qui ne soit pas cohérente avec ce que l’on défend. La production de 2019 est et sera 100 % « green » (ndlr : La maison d’édition s’engage notamment sur 100 % d’ouvrages fabriqués à partir de papier labellisé FSC – Forest Stewardship Council, un écosociolabel mondialement reconnu pour ses performances environnementales, sociales et économiques ; imprimés en France sous le label Imprim’Vert ; et blanchis sans chlore ni dérivé de chlore. Mais également sur des encres certifiées d’origine végétale et sur l’utilisation de papier fabriqué en circuit court, au plus près de l’imprimeur).

ID : Pourquoi est-ce important que le milieu de l’édition s’engage ?

S.H. : Parce que c’est important que tout citoyen s’engage pour pouvoir aborder la société et la vie de demain. Ce n’est plus une question de choix. Cette transition va de toute façon devoir se faire et plus on sera nombreux à donner des pistes de réflexion et d’action, mieux ce sera. La jeune génération arrive avec cette fraîcheur, une envie forte de faire bouger les choses. A nous de les accompagner dans leur dynamisme en leur offrant des ouvrages adaptés et en leur proposant d’autres terrains d’expression.
Des ouvrages durables, un gros défi ? Trois questions à la responsable fabrication pour Tana Éditions, Céline Prémel-Cabic

ID : Avez-vous dû repartir de zéro au niveau du process de fabrication de vos ouvrages ?

Céline Prémel-Cabic (C.P.C) : Avant que la marque se mette au vert, le process de fabrication était localisé en Europe voire en Asie, et pas spécialement en France, les papiers n’étaient pas forcément FSC, les couvertures comportaient des pelliculages qu’on a décidé de ne plus utiliser, les encres n’étaient pas végétales. Mais au sein d’Editis, des petites graines avaient déjà été semées notamment au niveau du papier, et je me suis basée là-dessus pour avancer et trouver des solutions moins impactantes pour l’environnement.

ID : Cette transition est-elle coûteuse ?

C.P.C : Il faut savoir que les imprimeurs se sont posés très tôt la question de la protection de l’environnement en France. Je travaille avec des imprimeurs certifiés Imprim’ Vert et FSC, qui n’ajoutent pas nécessairement de surcoût lorsque l’on souhaite utiliser de l’encre végétale. Le groupe parvient par ailleurs, pour le papier FSC, à négocier des prix abordables pour le marché de l’édition.

ID : Pourquoi ne pas utiliser du papier recyclé ?

C.P.C : Les papetiers en France n’ont pas encore à leur catalogue des gammes recyclées en adéquation avec les demandes et spécificités de l’édition du livre. L’un des principaux papetiers français qui en proposait a déposé le bilan, un autre fournisseur en propose mais à des prix élevés et à des quantités qui ne suffisent pas à produire le nombre d’ouvrages que l’on souhaite.

Lire : L’Info Durable du 28 avril

Jean-Philippe Behr

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