Jean-Luc Petithuguenin, fondateur de Paprec, annonce ce mercredi quitter l’entreprise qui approche les quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires. Séché Environnement publie le même jour des résultats semestriels éclatants dans un contexte économique tendu.
Mercredi symbolique pour les champions français du déchet. Les deux vedettes familiales du recyclage Paprec et Séché publient le même jour des indications financières représentatives d’un changement d’époque. Et surprise, la famille Petithuguenin, qui possède la majorité de Paprec, a officialisé la retraite du père, Jean-Luc, fondateur de l’entreprise et grande figure du secteur.
L’infatigable Jean-Luc Petithuguenin lâche le développement international de l’entreprise qui est repris par le PDG, son fils Mathieu. Son poste d’administrateur, lui, est confié au roi de la charcuterie industrielle Laurent Jolivet (groupe Popy), un proche de la famille. Dans une déclaration transmise à la presse, l’intéressé invoque des soucis de santé, et la pression de ses médecins, pour précipiter son départ.
Mais le fondateur de Paprec rappelle que ses deux fils gèrent à plein temps l’entreprise depuis quatre ans. Son autre fils, Sébastien, s’occupe des activités plastique et énergie. Et comme il l’avait expliqué « aux Echos » en début d’année, Jean-Luc Petithuguenin laisse l’entreprise à un moment symbolique, au passage du cap des quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires et 600 millions d’excédent brut d’exploitation (EBE). C’est le seuil que Paprec espère franchir ou frôler sur l’exercice 2025.
Un moment délicat sur le marché
Ce passage de relais intervient en plein essor des petits poucets de l’environnement face aux géants Veolia et Suez. Mais également à un moment délicat sur le marché. Une double réalité qui frappe dans les semestriels que publie ce mercredi Séché Environnement, autre ETI du déchet tricolore. Son fondateur, Joël Séché, fait partie des trois challengers, avec Daniel Derichebourg et Jean-Luc Petithuguenin, à avoir réussi à bâtir des fortunes familiales dans le déchet. Trois fondateurs qui ont installé peu à peu leurs fils aux manettes de leurs empires.
Joel Séché reste président de son groupe et propriétaire de 69 % des parts du capital, mais c’est son fils Maxime qui pilote la direction générale. Les semestriels paraissent rutilants, avec 118 millions d’euros d’EBE, en hausse d’un tiers sur un an, bien au-delà des attentes des analystes. Mais Maxime Séché n’enjolive pas les difficultés : « Nous avons fait un chiffre d’affaires sur six mois de 580 millions d’euros, en croissance organique de 7,5 %, alors que nous étions historiquement habitués à 11 % de croissance. »
Car le grand spécialiste des déchets dangereux (85 % de ses revenus) se trouve au cœur de deux crises qui touchent tout autant les autres champions français. L’entreprise travaille à 88 % pour des industriels, dont nombre de grands chimistes en panne de production en Europe. Quant à ses autres clients, les collectivités, l’instabilité gouvernementale et l’austérité budgétaire jettent de gros nuages sur leurs projets. Enfin, la vente d’électricité produite par les incinérateurs du groupe a pâti de la faiblesse des prix de marché, une perte de 20 euros par mégawattheure, renforcée par la hausse de plusieurs taxes sur l’énergie.
Pourtant l’entreprise montre une bonne résilience. « Nous cherchons à élargir, chez nos grands clients industriels, comme ArcelorMittal, la palette de services en reprenant progressivement les activités qu’ils internalisaient jusqu’ici », explique Maxime Séché.
Son groupe profite aussi du coup d’accélérateur donné à l’exportation sur certains marchés porteurs. Le dirigeant pointe par exemple le Pérou et son fort dynamisme, où il connaît une croissance à deux chiffres. « Il suffit de voir le nombre de grues sur l’île industrielle de Jurong, à Singapour, pour constater l’essor industriel de certaines régions. » La profitabilité du groupe profite à cet égard de l’acquisition récente du numéro un du secteur singapourien ECO, qui dégageait 38 % de marge l’an dernier, rappelle l’analyste de Portzamparc, Nicolas Royot.
De nouveaux rivaux
Le groupe s’est également renforcé sur la gestion des pollutions industrielles accidentelles, qui ont dopé de 20 millions d’euros l’activité du deuxième trimestre. Séché a été retenu pour un gros chantier de reconversion de l’ancienne raffinerie de Las Salinas au Chili. Il est intervenu à la suite de l’incendie d’un entrepôt de batteries au lithium de Bolloré. Cette activité devrait se développer avec la multiplication des événements climatiques extrêmes et le durcissement de la réglementation. Autre marché potentiel, l’énorme chantier de la gestion des extincteurs chargés de polluants éternels PFAS.
Difficile dans ce contexte de faire des pronostics sur les prochains semestres, et Séché reste très prudent avec un chiffre d’affaires de 1,18 milliard d’euros prévu sur 2025. Si l’autorité de la concurrence valide le rachat du groupe nordiste Flamme, il se rapprochera des 8.000 salariés et récupérera une centaine de millions de revenus en plus.
Consolidation en France et développement de niches à l’étranger, les trois mousquetaires des déchets poursuivent le même destin à l’ombre des deux géants français. Mais à l’instar de Maxime Séché, ils voient aussi d’un œil inquiet de nouveaux rivaux pointer le bout de leur nez à domicile. L’influence de l’allemand Rethmann qui a bondi dans l’Hexagone grâce à ses nouveaux ancrages français locaux que sont Transdev (transports) et Schroll (déchets en Alsace) les préoccupe notamment.






































