CCFI

« Derrière nos écrans de fumée », le documentaire qui va peut-être vous sevrer des réseaux sociaux

Disponible sur Netflix, cette violente diatribe accuse les réseaux sociaux de mener l’humanité à sa perte.

Lire : France Info 26/9/20

Disponible sur Netflix depuis le 9 septembre, le documentaire « Derrière nos écrans de fumée » est une violente diatribe contre les géants de la Silicon Valley, accusés de mener l’humanité à sa perte. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)

« Ces services tuent. Ils provoquent des suicides », affirme Tim Kendall en parlant de ces réseaux sociaux pour lesquels il a travaillé. Il porte un tee-shirt gris chiné et un jean, l’uniforme de la Silicon Valley. En dépit de sa carrure de quarterback, on l’imagine aisément à la tête de Pinterest, le site de partage de photos qu’il a dirigé entre 2015 et 2018. Aujourd’hui, l’heure est grave pour ce cadre, également passé par Facebook, qui témoigne dans le documentaire Derrière nos écrans de fumée (The Social Dilemma, en VO), disponible sur Netflix depuis le 9 septembre.

Ils sont ainsi une quinzaine à se relayer pour décrypter le modèle économique de Facebook, Twitter, Instagram, YouTube, Google et tant d’autres. L’objectif : alerter sur les effets de la dépendance aux smartphones, qu’ils comparent à une « tétine numérique ». Rien de nouveau. Sauf que cette fois, le message est porté par d’anciens cadres dirigeants, ingénieurs ou fondateurs de ces services, qui semblent lancer un cri d’alarme, dans ce documentaire choc, qui soulève beaucoup de problèmes, sans toutefois apporter de solution.

Un format efficace

La particularité de ce film réalisé et coécrit par l’Américain Jeff Orlowski, déjà aux manettes de documentaires sur le changement climatique, est d’entrecroiser ces interviews avec une fiction mettant en scène une famille ordinaire. Tous plus ou moins dépendants à leur téléphone, les membres de la famille ne communiquent presque plus entre eux. La benjamine, complexée après avoir reçu un commentaire sur son physique, souffre d’un problème d’estime de soi. L’aîné succombe peu à peu aux sirènes de l’extrême droite, à force de regarder les vidéos YouTube que lui recommande un algorithme. Celui-ci est représenté sous la forme d’un centre de contrôle dirigé par trois individus qui observent jour et nuit ses interactions numériques. Leur objectif est clair : le rendre captif, le plus de temps possible, par tous les moyens.

Si ces scènes ont parfois l’apparence d’un épisode raté de Black Mirror, elles ont le mérite, surtout pour les plus jeunes spectateurs, de mettre en scène les propos parfois très théoriques des intervenants. Le procédé est grossier, mais efficace pour démontrer les actions engendrées par nos comportements, aussi anodins soient-ils. De l’autre côté, on prête évidemment une attention toute particulière aux interviewés alignant des CV qui forcent le respect, comme devant l’inventeur du bouton « J’aime » ou du défilement infini.

Les données collectées ne sont pas le problème

On agite souvent le spectre de la data, ces données personnelles que collectent toutes ces entreprises pour les vendre au plus offrant. Derrière nos écrans de fumée pousse l’analyse beaucoup plus loin. Ce ne sont pas seulement les données le problème, mais le comportement des utilisateurs. Il est rappelé que si nous ne payons pas pour un produit, alors, c’est que nous sommes le produit. Et si l’on assiste à une « dérive » des usages depuis quelques années, c’est parce que celle-ci fait intégralement partie de la stratégie de ces sociétés.

Jamais, dans l’histoire, il n’y a eu cinquante concepteurs prenant des décisions ayant un impact sur deux milliards de personnes.Tristan Harris, éthicien, ancien cadre chez Google

Il ne s’agit pas d’un phénomène qui aurait totalement échappé aux concepteurs des réseaux sociaux, explique Derrière nos écrans de fumée. Le défilement infini (scrolling), les notifications incessantes qui poussent à consulter en permanence son téléphone, les « … » qui clignotent lorsqu’un interlocuteur rédige un message, tout est pensé pour que nous ne décrochions pas de ces écrans. Pas seulement dans le but de vendre de la publicité. Le dessein est beaucoup plus ambitieux : influencer nos actions et même notre façon de penser.

D’autant qu’il est facile d’être manipulé, lorsque les occurrences suggérées par le moteur de recherche de Google ou par le fil d’information de Facebook sont ultra-personnalisées et dépendent de la personne qui les consulte. Au fil du temps passé à renseigner plus ou moins directement les différents algorithmes, chacun finit par n’accéder qu’à sa propre réalité….

Pascal Lenoir

Nos partenaires

Demande d’adhésion à la CCFI

Archives

Connexion

Vous n'êtes pas connecté.

Demande d’adhésion à la CCFI