À Rochefort, en Charente-Maritime, une imprimerie utilise encore les techniques d’autrefois, celles d’avant l’offset, d’avant le numérique. Le couple d’imprimeurs travaille avec les lettres en plomb. Un lieu typique, une institution dans la ville et qui est à vendre.
Imagine-t-on qu’un tel endroit puisse encore exister ! Une imprimerie comme au temps de Gutenberg. Des caisses de bois pleines de lettres de plomb, et des machines. Elles ne sont pas antiques, puisqu’elles datent des années 60 ou 70, mais elles font faire un grand voyage dans le temps avec leur allure de vieil atelier industriel. « Ce lieu est assez magique ! Vous avez vu l’effet que ça fait quand on rentre dans la typographie ? » Nathalie Rodriguez est la maîtresse des lieux. « On a l’impression d’arriver dans un endroit hors du temps et qui continue de fonctionner. »
L’imprimerie « Imprim17 » est une institution à Rochefort en Charente-Maritime. C’est la dernière imprimerie typographique de la ville qui en a compté un grand nombre autrefois.
Et rien n’a bougé depuis de très nombreuses années. « Nous sommes certains que cette imprimerie existe depuis 1835, car nous avons trouvé un livre de cette époque qui porte comme lieu d’édition et de publication le 17 rue Audry de Puyravault, la maison d’à côté, et nous savons que les deux bâtiments ont été reliés à un moment », relate l’éditrice.
Nathalie Rodriguez et Michel Bon, son mari, sont arrivés à Rochefort en 2008. Lui venait de Haute-Loire en Auvergne, elle, de Paris, ils cherchaient une imprimerie dans son jus. « La maison date de 1699 et elle n’a pas beaucoup bougé depuis sa construction. Quand nous sommes arrivés devant, nous avons compris que c’était là. »
Un travail fascinant
Patiemment, Michel Bon assemble les lettres de plomb. « Elles sont rangées dans des tiroirs qu’on appelle des casses. Le travail consiste à prendre les lettres une par une et de les ranger dans un outil qu’on appelle un composteur. » Le regarder faire est juste fascinant. « On part de la droite. Les lettres sont fondues à l’envers afin de se retrouver écrites à l’endroit une fois imprimées. » Les lettres sont emprisonnées et serrées dans une forme qui sera mise en place sur la machine à imprimer.
Michel Bon, à la base, est imprimeur de gravures. Il s’est formé sur le tas à la typographie. La formation a disparu dans les années 70. Mais le savoir perdure, car les écoles d’imprimerie continuent d’enseigner l’essentiel et les étudiants des écoles d’art apprécient ce « travail d’orfèvre ». « On revient à la typographie, car c’est le moyen le plus simple pour faire de l’impression, sans s’égarer. Avec la typographie, on a des règles, on a moins de liberté qu’avec l’ordinateur, car ce sont de petits carrés qu’il faut assembler. Mais si on est créatif, il y a des choses à faire. »
Un travail qui reste étonnamment rentable. Cette imprimerie imprime encore des cartes de visite, des calendriers. Elle s’est lancée aussi dans l’édition de livres. « Aujourd’hui, on peut faire avec ces machines de la découpe, de l’emboîtage de luxe », indique le typographe. « Ce sont des domaines dans lesquels il y a beaucoup de création et beaucoup d’argent. Il y a des jeunes qui sont tentés par ce côté-là. »
Désormais, le couple, âgé de 68 et 72 ans, souhaite lever le pied et se recentrer sur la maison d’édition qu’ils ont créée en 2012. « Aujourd’hui un petit atelier d’impression au fond du jardin nous suffit », annonce Nathalie Rodriguez. « Nous n’avons plus besoin de matériel aussi imposant. »
Depuis quelques années, les deux imprimeurs cherchent à céder le bail de leur commerce avec le matériel. Sans que cela aboutisse pour le moment. « C’est un travail de longue haleine », poursuit Nathalie Rodriguez. « Nous aimerions trouver quelqu’un qui aimerait beaucoup l’outil, qui aurait des idées de quoi en faire et qui serait attaché au côté patrimonial du lieu et de la technique. »
En attendant, Nathalie Rodriguez et Michel Bon travaillent sur le prochain livre de leur maison d’édition : « En présence », un texte d’Isabelle Sancy et une photographie de Isa Mercelli. Soumettre un cliché d’un artiste à un écrivain contemporain, c’est la ligne directrice de la collection qu’ils ont nommée « Pour dire une photographie ». Une collection qui compte déjà vingt-cinq volumes.