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Frais de livraison du livre : Amazon opte pour le passage en force sur les « lockers »

Le médiateur du livre vient de rendre un nouvel avis dans lequel il assure de nouveau que la livraison gratuite de livres dans les « lockers » (casiers de consigne automatiques), installés notamment dans des hypermarchés, est contraire à la loi Darcos. Mais Amazon ne compte pas mettre fin à son dispositif.

Au moins, les choses sont claires. Saisi récemment à double titre sur l’application de la loi Darcos concernant les frais de livraison du livre – à la fois par le ministère de la Culture qui demandait un état des lieux sur la mise en conformité des acteurs et par Amazon estimant que certains de ses rivaux ne respectaient pas la législation -, le médiateur du livre vient de rendre ses conclusions.

Résultat, l’autorité chargée de la conciliation des litiges portant sur le principe du prix unique du livre a établi dans un avis, publié ce mardi, que les « cinq acteurs mis en cause par Amazon (FNAC Darty, Cultura, Carrefour, E. Leclerc et Coopérative U) » ainsi que les autres groupes qu’il a choisi d’auditionner – « placedeslibraires.fr, leslibraires.fr, lalibrairie.com et le groupe NAP (Maisons de la Presse) -, évoluaient en dehors des clous de manière « très marginale ». Surtout, les acteurs en question se sont rangés à l’avis du médiateur du livre en vue de se mettre en conformité avec la loi.

« Un très net désaccord »

L’attitude contraste avec celle d’Amazon, qui se refuse à tout changement et tente le passage en force sur son dispositif de livraison gratuite de livres via les « lockers » (casiers de consigne automatiques) installés notamment dans des hypermarchés ou supermarchés, que le médiateur du livre vient de retoquer comme il l’avait déjà fait dans un précédent avis remis en février.

« Au terme du dialogue conduit avec la société Amazon, le présent avis ne peut que constater un très net désaccord de sa part sur la question des retraits gratuits de livres en casiers automatisés […]. Amazon récuse cette lecture de la loi et entend maintenir le retrait gratuit en casiers, qui représenterait un tiers (voire davantage) des milliers de points de retrait gratuits qu’elle propose à ses clients, écrit le médiateur du livre, Jean-Philippe Mochon, dans son avis ce mardi. Le retrait gratuit de livre en casier automatisé constitue aujourd’hui un réel défi à la mise en oeuvre de la loi ».

Amazon a réagi en faisant valoir qu’il continuait « d’être en désaccord avec certaines conclusions de ces rapports qui se nourrissent d’une lecture biaisée du droit applicable. » De son côté, le Syndicat de la librairie française s’est félicité de « cette confirmation ferme et sans ambiguïté et déplore le dédain avec lequel la plateforme américaine traite la loi française. Il appelle la ministre de la Culture (…) à faire respecter le prix unique du livre et à faire cesser ces pratiques illégales ».

Amazon en croisade

Entrée en vigueur en octobre 2023, la loi Darcos vise à rééquilibrer le jeu concurrentiel entre Amazon d’un côté et les commerces physiques de ventes de livres de l’autre, des librairies indépendantes à FNAC Darty en passant par Cultura.

Ces dernières années, le groupe américain est parti en croisade contre une mesure de cette loi : le tarif minimal de 3 euros de frais de livraison pour les commandes de livres à un prix total de moins de 35 euros. Faisant feu de tout bois, Amazon a notamment porté l’affaire devant le Conseil d’Etat, qui l’a renvoyée il y a un an devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Fin novembre, Amazon a ensuite tenté une percée en annonçant que ses clients allaient bénéficier « de la livraison gratuite dans plus de 2.500 points de retrait pour leurs achats de livres ».

Porter l’affaire en justice

Un stratagème qui avait déclenché une bronca dans le monde du livre ainsi que sur le terrain politique. « C’est scandaleux et désespérant. C’est un flagrant contournement de la loi qui se fait au détriment des libraires », avait alors réagi la sénatrice Horizons Laure Darcos qui a porté cette loi.

Reste que le médiateur du livre a redonné son feu vert, ce mardi, à une partie du dispositif d’Amazon, plus précisément ce qui concerne le retrait gratuit au comptoir ou à l’accueil de magasins dès lors que celui-ci est effectué « dans un commerce de vente au détail de livres ».

Une demi-victoire pour Amazon qui a voulu pousser son avantage sur les « lockers ». Sans succès. Désormais, ses rivaux peuvent s’appuyer sur ce nouvel avis du médiateur du livre pour porter l’affaire en justice.

Lire : Les Echos du 27 mai

Jean-Philippe Behr

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