L’Alliance de la presse d’information générale a écrit au ministère de la Culture pour l’alerter des effets d’une possible hausse des tarifs postaux. La Poste parle, elle, d’une mission de service public « insoutenable » et appelle à développer le portage.
Face à une potentielle augmentation des tarifs postaux, la presse montre les dents. Selon nos informations, l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), qui regroupe presque 300 titres, a envoyé un courrier au ministère de la Culture il y a quelques jours, s’inquiétant d’une hausse possible des coûts de distribution.
« On subit depuis plusieurs semaines une grosse pression, avec des réunions conviant des représentants de La Poste, des fonctionnaires des ministères etc., sur ce sujet », souligne Pierre Petillault, directeur général de l’Apig.
Le « fardeau » de la distribution
Les propos d’Olivier Sichel, nouveau patron de la Caisse des dépôts (actionnaire majoritaire de La Poste), début juin, ont attisé les braises : devant une commission au Sénat, il a suggéré de soulager en partie La Poste du coût de la distribution de la presse, en le faisant porter davantage aux journaux, évoquant un « fardeau » pour le groupe public.
Il faut remonter quelques années en arrière pour comprendre les origines de cette colère. La presse et La Poste avaient conclu un accord en février 2022 qui devait courir jusqu’en 2026. Celui-ci prévoyait une seule tarification pour différents types de presse, en échange d’une prévisibilité sur les tarifs. Parallèlement, de nouvelles aides de l’Etat avaient été mises en place.
Seulement voilà, la filière du courrier et l’Etat voudraient revoir les modalités de l’accord. « Le renoncement à leurs engagements est incompréhensible pour les éditeurs », s’insurgent les auteurs de la lettre envoyée à la rue de Valois.
Une activité largement déficitaire
A la suite d’un bilan intermédiaire réalisé à l’automne, « nous avons pris acte d’une situation très différente de celle du début de l’accord, avec la Covid, la guerre en Ukraine etc. Cette mission de service public de distribution de la presse est devenue insoutenable et menace le modèle de La Poste », répond un dirigeant du groupe public, interrogé par « Les Echos », qui rappelle que le volume de courrier a drastiquement baissé.
En cause, le déficit de cette activité : « Pour un journal que nous distribuons, les éditeurs paient, en moyenne 50 centimes et cela nous coûte 1,5 euro. Au total, en prenant en compte des aides de l’Etat, le déficit est autour de 470 millions en 2023 », indique-t-il. Ce chiffre est contesté par des éditeurs, mais La Poste le garantit, rappelant que les comptes sont contrôlés par une autorité indépendante.
Baisse des recettes digitales
En face, pour les éditeurs, une augmentation serait très compliquée à absorber. « On entend parler de hausse des tarifs de 60 % à 80 % ! », reprend Pierre Petillault. Sur fond de repli de la publicité, cette hausse des coûts porterait un nouveau coup de massue aux groupes de presse. Alors même que les recettes publicitaires digitales du secteur, jusqu’à présent en croissance continue, sont désormais elles aussi en baisse, dans un contexte de forte domination des plateformes.
Les coûts de distribution représentent, selon les données de l’Apig, le premier poste de charge (30 % des coûts), devant ceux de la rédaction. Or, en face, l’abonnement représente une part significative des revenus : en 2024, l’abonnement (via du portage ou par voie postale) totalise 43 % de la diffusion et 55 % du chiffre d’affaires.
En outre, la qualité de service de La Poste est jugée insuffisante avec des retards de livraison des journaux. Et les éditeurs arguent qu’ils ne peuvent répercuter un changement de tarification sur leurs lecteurs, dans la mesure où le prix est le premier motif de désabonnement.
L’exemple de la presse régionale
La balle semble désormais dans le camp de l’Etat. Car La Poste estime, elle, que « des tarifs postaux faibles n’incitent pas à développer pleinement le portage. Il faut rendre à la presse sa maîtrise de sa distribution par un outil de portage industriel, multititres ».
Ce type de distribution est déjà bien développé dans la presse régionale, mais moins pour certains quotidiens ou les magazines. La Poste appelle à revoir le système d’aides de l’Etat… qui a lui-même ses contraintes budgétaires.