Le mégaprocès entre la maison mère de Facebook et Instagram et les grands journaux espagnols a débuté. Les éditeurs dénoncent une concurrence déloyale qui menace leur survie face à un acteur jugé prédateur.
La rébellion de la presse espagnole contre Meta est arrivée en justice. Le procès qui oppose le géant américain de la tech aux éditeurs de quelque quatre-vingts journaux espagnols s’est tenu les 1er et 2 octobre au tribunal de commerce de Madrid. Au terme des deux journées d’audience, les magistrats ont maintenant vingt jours ouvrables pour se prononcer.
Les plaignants dénoncent les pratiques du propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp, et l’attaquent pour concurrence déloyale en matière de publicité segmentée. Ils réclament 550 millions d’euros en compensation du préjudice subi et du manque à gagner sur cinq ans, de 2018 à 2023.
Une plainte similaire en France
En cause, les techniques de ciblage qui ont été pratiquées par Meta durant cette période, à l’insu des utilisateurs des plateformes et sans respecter la législation européenne sur la protection des données mise en place en 2018. Les éditeurs dénoncent le préjudice qui a débouché sur une déviation significative du marché publicitaire, au point, disent-ils, de menacer la viabilité des médias.
La tenue de ce procès est suivie avec attention en France, où une série de médias hexagonaux se sont unis pour déposer une plainte similaire le 23 avril 2025. Quelque 200 acteurs du secteur, dont le Groupe Les Echos-Le Parisien, ainsi que TF1, Radio France, Prisma Media, France Télévisions, le groupe BFM-RMC ou encore CMI Media, ont en effet fait front commun.
Les reproches sont les mêmes qu’en Espagne : ils accusent Meta de leur avoir porté préjudice, en violant les règles du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), alors que les médias français se sont, eux, pliés à la réglementation en mettant en place le consentement, ce qui a créé un préjudice pour eux.
« Action illégale »
« Il y va de la survie des médias menacés par le comportement prédateur d’une plateforme comme Meta, qui agit sans respecter notre cadre législatif », a affirmé, lors du procès de Madrid, Irene Lanzaco, la directrice générale de l’association espagnole des éditeurs de presse (AMI) qui a porté la plainte contre Meta, en représentation de 83 titres parmi lesquels les plus importants du pays, comme « El Pais », « La Vanguardia », « El Mundo » et « ABC » ainsi que les principaux quotidiens sportifs et d’information régionale.
En parallèle, une autre procédure contre Meta, qui n’est pas encore arrivée devant les tribunaux, a également été lancée par un groupe de radios et télévisions espagnoles qui dénoncent des préjudices similaires. Ils réclament 160 millions d’euros de compensation.
« Ce qu’a fait Meta, c’est réaliser un profilage massif du comportement de tous les internautes et, à partir de là, sans avoir informé les utilisateurs ni obtenu leur consentement, le groupe aurait vendu de la publicité segmentée, générant ainsi un énorme profit à partir d’une action illégale d’un point de vue réglementaire », a expliqué Irene Lanzaco durant l’audience.
Meta en défense
En face, le géant américain de la tech a donné sa version, en critiquant « une accusation qui ne repose sur aucune preuve du préjudice supposé ». « Meta respecte toutes les lois applicables et a fourni des options claires et une large gamme d’outils aux utilisateurs pour contrôler leur expérience sur nos services », ont insisté les représentants du géant américain en Espagne.
Les algorithmes développés par la compagnie pour affiner le type d’annonces sont plus importants que les données des internautes, ont-ils assuré. « Nous avons énormément investi pour que la publicité atteigne mieux le consommateur, à la différence des médias traditionnels », a souligné Beltran Seoane, responsable chez Facebook Espagne de la relation avec les agences publicitaires.
Selon la société californienne, les plaignants « ignorent intentionnellement l’évolution de l’industrie publicitaire durant ces dernières années ». La grande révolution de Meta a été « la démocratisation de l’accès à la publicité », alors qu’avant il fallait payer l’accès aux espaces en télévision ou dans la presse, a argumenté David Saez, le directeur de Facebook en Espagne et au Portugal. « Sur nos plateformes, une quincaillerie peut mettre un euro et être en concurrence avec les grands magasins du Corte Inglés », a-t-il insisté.






































