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Le groupe Lagardère limite les dégâts grâce à l’édition

L’activité de commerce dans les lieux de transport s’effondre de 60 % sur l’année, tandis que l’activité édition stabilise ses ventes et améliore sa rentabilité. Le groupe réussit toutefois à restaurer sa génération de trésorerie au deuxième semestre.

Si 2019 était pour Lagardère une année « travel retail », 2020 est incontestablement une « année édition ». La branche Hachette Livre aide le groupe à sauver les dégâts alors que la crise sanitaire et la paralysie de l’économie – et de toute forme de tourisme – affectent lourdement son activité de commerce dans les lieux de transport.

Tandis que le chiffre d’affaires du groupe recule de 38 %, à 4,4 milliards d’euros, et que le groupe passe dans le rouge vif – une perte nette de 660 millions d’euros, contre 15 millions en 2019 -, l’activité de « travel retail » recule de 60 %, à 1,7 milliard d’euros de revenus, tandis que Lagardère Publishing stabilise les siens à 2,4 milliards. Sur le plan de la rentabilité opérationnelle, le commerce dans les lieux de transports passe en perte de 353 millions (contre un gain de 152 millions l’an dernier), tandis que le « publishing » génère 12 % en plus, à 246 millions.

Génération de cash au second semestre

Le chiffre d’affaires du pôle News (Europe 1, « Paris-Match », « JDD », etc.) est quant à lui en repli de 14 %, notamment en raison de la baisse du chiffre d’affaires des licences (-27 %). La baisse du chiffre d’affaires des radios est, elle, de 9 % et celle de la presse de 12 % grâce à un meilleur second semestre. Les pertes opérationnelles de ces « autres activités » sont de 47 millions.

A la fin du deuxième semestre, le tableau est toutefois moins noir qu’au 30 juin, le groupe ayant « brûlé » 500 millions d’euros de liquidités lors des six premiers mois de l’année.

Lagardère est parvenu à générer 63 millions de profits d’exploitation sur la deuxième partie de l’année, « marquant une forte amélioration de 281 millions d’euros par rapport au premier semestre », affirme le groupe qui met en avant « à la fois des efforts de réduction des coûts entrepris dès le début de la crise sanitaire et la profitabilité de Lagardère Publishing ». Grâce à une génération de cash revenue dans le vert au second semestre, l’endettement net baisse de 315 millions par rapport au 30 juin, à 1,7 milliard.

La dégradation de cet indicateur avait été révélée l’an dernier au moment de la montée au capital de Vivendi, qui s’est depuis allié au fonds Amber et veut changer la gouvernance de Lagardère à la prochaine assemblée. Lagardère estime aujourd’hui que « sa liquidité est suffisante pour couvrir ses besoins et échéances ». Il a mis en place un emprunt de 465 millions garanti à hauteur de 80 % par l’Etat (PGE).

Pas de dividende

Pour l’année 2021, Lagardère estime que « l’environnement demeure incertain dans un contexte d’atténuation progressive de la pandémie de Covid-19 ». Du coup, il « poursuit ses efforts de maîtrise des coûts sur l’intégralité du groupe ». Dans l’édition, « l’effet mix favorable en 2020, porté par les ventes de supports numériques, devrait s’effacer et ainsi affecter légèrement la profitabilité en 2021 ».

Dans le commerce des lieux dans les gares et aéroports, Lagardère relève que « les prévisions des différents organismes dont l’Iata se situent au 3 février 2021 entre +13 % et +50 % de croissance du trafic passagers aérien mondial en 2021 ». Mais le groupe va continuer à faire des économies.

Enfin, le groupe ne mentionne pas de reprise du dividende, suspendu au plus fort du confinement de l’an dernier. Aucune décision n’a par ailleurs été prise sur la gouvernance et le périmètre du groupe, a dit Arnaud Lagardère jeudi soir, qui a aussi posé comme condition que les relations soient « pacifiques » entre les actionnaires.

Arnaud Nourry : « Je ne laisserai personne abîmer Hachette Livre »

Dans un entretien aux « Echos », Arnaud Nourry veut défendre l’intégrité d’Hachette Livre au moment où le périmètre et la gouvernance de Lagardère, sa maison mère, pourraient évoluer.

Alors que la potentielle évolution du périmètre de Lagardère et de sa structure de gouvernance agite le monde français des affaires, Arnaud Nourry, le patron de la branche édition du groupe, prend position. « Je ne laisserai personne abîmer Hachette Livre, déclare-t-il aux ‘Echos’. Tout mouvement proche du démantèlement m’est insupportable. »

Celui qui dirige cette entreprise depuis dix-sept ans estime qu’« Hachette Livre est bien chez Lagardère, qui en est l’actionnaire depuis quarante ans » et en tire profit, tout particulièrement cette année du fait de la crise sanitaire qui affecte son autre grand métier, le commerce dans les lieux de transport. « S’il fallait inventer une vie un peu différente pour Hachette, mon temps de cerveau disponible serait illimité et s’il y a un combat, ce que je ne sais pas, je le mènerai et je le gagnerai », martèle-t-il.

« Plus belle entreprise culturelle française »

Pour l’instant, c’est plutôt la question du repreneur potentiel de la station Europe 1, la principale du groupe d’Arnaud Lagardère, qui a concentré l’attention médiatique. Mais pour Arnaud Nourry, l’enjeu est bien plus important avec Hachette. « Il s’agit de la plus belle entreprise culturelle française du fait de sa position de numéro trois mondial, dit-il. Nous avons réussi à lutter contre Amazon [sur les prix du livre, NDLR] et Google [sur la numérisation des livres, NDLR] au bénéfice de tous les éditeurs français ».

A l’approche d’une assemblée générale de Lagardère qui pourrait faire basculer son conseil de surveillance en faveur du camp de Vivendi et du fonds Amber, potentiellement soutenu par le Qatar, le scénario le plus couramment évoqué est celui d’une reprise, à terme, d’Hachette Livre ou de sa branche internationale par le groupe contrôlé par Vincent Bolloré, propriétaire d’un autre grand groupe d’éditeurs français, Editis.

Besoin de moyens

Selon certains spécialistes du secteur, être chez Lagardère n’est pas idéal pour Hachette sur un aspect en particulier : un manque de moyens pour se développer. Sur son métier de base qu’est le livre, la croissance se fait principalement dans les pays anglo-saxons, surtout en cette période de confinements, parce que l’e-commerce et l’e-book y sont plus développés qu’en France.

Or Hachette a été loin de pouvoir s’aligner sur Bertelsmann pour pouvoir, fin 2020, mettre la main sur Simon & Schuster, qui l’aurait fait passer numéro deux aux Etats-Unis. Il devra pourtant faire des acquisitions aux Etats-Unis, estiment les spécialistes.

N’empêche qu’un rapprochement avec Vivendi inquiète Hachette, chez qui certains préféreraient avoir l’appui financier d’un actionnaire minoritaire, comme cela a été évoqué. En France, « il n’y a aucune cohabitation possible entre nous et Editis, moins rentable, cela n’a pas de sens stratégique et c’est juridiquement impossible », estime en tout cas Arnaud Nourry. Dès lors, la crainte est que s’opère un jeu de Meccano. Les équipes d’Hachette redoutent en particulier de revenir loin en arrière si on les ampute de la partie internationale du groupe.

Diversification

Pour Arnaud Nourry, une des trois raisons du succès d’Hachette – à part sa diversification géographique et ses métiers (livres et éducation, collections de petits livres dits « fascicules », jeux de société et même jeux pour mobile…) – est sa culture.

« Nous avons 150 marques, chacune est développée par un talent libre, explique le dirigeant. Nous sommes une constellation de PME, avec une culture de non-interventionnisme. Pour avoir des talents comme David Shelley au Royaume-Uni, qui est devenu l’éditeur de J. K. Rowling, ou Sophie de Closets chez Fayard en France, qui a récupéré les droits France du livre de Barack Obama, il faut leur laisser la liberté d’expression. » Sans doute une pique à peine voilée contre Vincent Bolloré, qui a acquis la réputation d’être interventionniste, notamment chez Canal+.

Le sort du groupe Lagardère sera décidé par ses grands actionnaires Vivendi, Groupe Arnault – dont le groupe LVMH possède « Les Echos » – et Arnaud Lagardère lui-même, associé-commandité. Mais Arnaud Nourry veut enfin faire valoir les résultats 2020 « splendides » d’Hachette en période de crise. Le groupe a stabilisé son chiffre d’affaires à 2,4 milliards d’euros et augmenté de 12 % son résultat d’exploitation à 246 millions, grâce notamment à 40 millions d’euros d’économies et de gestion rigoureuse, et à une présence pour 50 % dans les pays anglo-saxons. Mais aussi grâce à deux livres best-sellers : « The Witcher », adapté en une série sur Netflix, et « Midnight Sun », le dernier volet de la série « Twilight », laquelle « avait déjà assuré une forme de survie à Lagardère il y a un peu plus de dix ans »

Lire : Les Echos du 26 février

 

Jean-Philippe Behr

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