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Le quotidien « La Provence » accélère sa transformation

Le quotidien marseillais, qui vient de décrocher l’interview du président de la République en visite dans la cité phocéenne, est en pleine mutation depuis son rachat par CMA CGM. Avec l’ambition de redevenir un acteur de premier plan de la PQR, en investissant lourdement dans le numérique.

Les fans de l’Olympique de Marseille apprécieront la métaphore. « La « remontada » de ‘La Provence’ a commencé », selon son directeur général, Gabriel d’Harcourt. Racheté l’été dernier par l’armateur CMA CGM, au terme d’une longue bataille , le quotidien marseillais a publié en début de semaine une interview d’Emmanuel Macron, en visite dans la cité phocéenne. Une exclusivité qui confirme le renouveau d’un titre en pleine transformation.

Sous la houlette du directeur du nouveau pôle Médias de CMA CGM, Laurent Guimier (ancien d’Europe 1, Radio France et France Télévisions), nommé en mars, le directeur général, Gabriel d’Harcourt, arrivé à l’automne de « La Voix du Nord », et le directeur de la rédaction, venu du « Parisien » en janvier, Aurélien Viers, mettent en place les premières briques de leur plan « Mistral gagnant ».

« L’idée est de se donner trois ou quatre ans pour que ‘La Provence’ soit un média régional référent en France, en termes de qualité éditoriale d’abord, d’innovation et de digital ensuite, et enfin d’engagement et de responsabilité sociale et environnementale. Pour cela, il faut mettre en oeuvre un plan de transformation globale de l’entreprise », résume Gabriel d’Harcourt.

Transformation numérique

Le projet éditorial, qui a reçu le soutien de 94 % de la rédaction lors d’un vote, vise notamment à rapprocher le journal des préoccupations de ses lecteurs, mais aussi à aller « au fond des sujets », à travers des enquêtes et reportages.

Depuis fin mai, le journal papier offre aussi un visage renouvelé, avec une nouvelle maquette et un nouveau logo. « Les retours sont unanimes sur la qualité de cette nouvelle formule », soutient Gabriel d’Harcourt. Son lancement a été accompagné d’une campagne promotionnelle dans la région, sur le thème « La Provence change, alors on change La Provence ».

Autre chantier, et non des moindres : la transformation numérique. Les versions en ligne ne représentent aujourd’hui que 16 % de la diffusion de « La Provence », selon l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), le quotidien restant très dépendant des kiosques qui assuraient plus de 38 % de sa diffusion en 2022. Celle-ci s’élevait alors à 69.000 exemplaires en moyenne (-6 % par rapport à 2021).

59 départs, presque autant d’embauches

Un nouveau site et une nouvelle application sont attendus fin octobre, afin d’augmenter le portefeuille d’abonnés numériques, à 10.000 environ aujourd’hui. Différentes verticales devraient y apparaître, notamment sur la santé ou l’OM. La page d’accueil du site a déjà été refondue et les premiers résultats sont là.

Portés par une actualité riche, « nous avons connu la plus forte progression de la PQR sur le numérique en avril et en mai », se félicite Gabriel d’Harcourt. Le journal estime être dans les temps pour atteindre son objectif de progression de 30 % de son audience numérique fin 2023.

En accélérant sur le numérique, « La Provence » espère du même coup rajeunir son lectorat, notamment grâce à la vidéo et à TikTok. « On y est très actifs et nous avons une bonne couverture des cultures urbaines, quand le chanteur Jul ouvre un magasin à Marseille, on est là et ça génère de l’engagement », illustre le directeur général. Tout en continuant à s’adresser à sa base de fidèles, « La Provence » veut élargir son audience en intéressant les néo-Marseillais. Au total, « La Provence » et son cousin du même groupe « Corse Matin » investissent 5 millions d’euros en 2023 dans la transformation numérique.

Cette mutation induit des changements d’organisation. Sur un total de 180, 59 salariés ont profité de la clause de départ, ouverte à la suite du rachat (ainsi que 11 salariés de « Corse Matin »). Presque autant d’embauches, dont 25 CDI et le reste en CDD, ont compensé ces départs. « Nous ne remplaçons pas poste pour poste, car l’organisation actuelle n’est pas complètement en phase avec ce qui nous permettra de recoller au marché », souligne Gabriel d’Harcourt. Certains recrutements concernent ainsi des postes de « community manager », de responsable vidéo ou de spécialistes de la data.

Certains, à la rédaction, grincent toutefois des dents. « Ce ne sont pas que les plus âgés qui sont partis », souligne un journaliste qui aurait aussi souhaité voir plus de profils expérimentés arriver. « On sort de nombreuses années de léthargie, ceux qui restent ont envie de s’inscrire dans l’avenir. Le vrai test sera d’ici quelques mois, pour voir si le projet marche », ajoute Audrey Letellier, déléguée SNJ.

Retour dans le vert

Avec 12 millions d’euros de pertes en 2022 sur 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, « La Provence » doit aussi revenir dans le vert. « On espère avoir fait la moitié du chemin d’ici la fin de l’année, notamment grâce aux performances de notre régie publicitaire, actuellement positive par rapport à l’an dernier », précise Gabriel d’Harcourt.

Celle-ci, en pleine transformation, a vocation à devenir une « agence conseil ». « Nous passons d’une position de vendeur d’espaces publicitaires à celle d’apporteur de solutions – digitales, vidéo, brand content ou papier – auprès des annonceurs », résume le directeur général de « La Provence ».

Pour compléter ses revenus, le quotidien se développe aussi dans l’organisation d’événements. Des synergies avec « La Tribune », en cours de rachat par CMA CGM, sont envisagées. « Dans le cadre de la stratégie de diversification de ‘La Provence’, il est important que le journal soit producteur d’événements dans la région, et le savoir-faire en la matière de ‘La Tribune’ pourra nous aider », confirme Laurent Guimier.

La direction du titre espère atteindre l’équilibre d’exploitation d’ici deux à trois ans. « C’est très important, insiste-t-il. Un des principes fondateurs de CMA CGM Média est d’avoir l’absolue certitude qu’une rentabilité puisse être trouvée, quel que soit le segment. »

« La Provence », qui déménagera en centre-ville de Marseille l’an prochain, devrait pouvoir s’appuyer fin 2024 sur l’imprimerie commune dans laquelle le journal investit avec « Nice-Matin » (propriété de Xavier Niel), comme prévu lors du rachat. Un passage au format tabloïd est envisagé à cette occasion.

 

Lire : Les Echos du 27 juin

 

Jean-Philippe Behr

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