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Les librairies de quartier, les grandes résistantes de la crise

A l’encontre de bien des commerces, les librairies indépendantes ont peu souffert de la crise et continuent à surfer sur ce vent porteur depuis janvier. Elles se sont numérisées, ont fidélisé leur clientèle, et s’apprêtent à voir leur croisade contre la gratuité des livraisons pratiquée par Amazon portée devant les parlementaires.

Bien sûr, les clients sont un peu moins nombreux à flâner entre les piles d’ouvrages des librairies de quartier… les théâtres, les cinémas, le monde des spectacles ont happé depuis leur réouverture, fin mai, une partie des clients affamés de culture. Mais il n’y a pas de quoi inquiéter les quelque 3.500 librairies indépendantes en France (et leurs 11.000 salariés) qui affichent une mine plutôt réjouie à l’heure de la sortie de crise.

Contre toute attente, ces commerces considérés un temps comme « non essentiels », avant que le gouvernement ne change son fusil d’épaule sous le coup de la polémique, ont traversé la crise sans encombre. Malgré les semaines de fermeture, les confinements et les couvre-feux, l’activité globale accuse un léger recul de -3,3 % en 2020, par rapport à 2019, selon le Syndicat de la librairie française (SLF), qui réunit un tiers environ de la profession. « Et dire qu’en début de crise, nous avions anticipé un effondrement de 20 à 25 % », glisse Guillaume Husson, délégué général du syndicat.

Panier moyen en hausse

Un vent porteur qui continue, puisque les premiers mois de l’année 2021 démarrent en fanfare, avec de janvier à mai une activité en hausse de 23 % par rapport à 2019 ! « C’est d’autant plus exceptionnel que le marché du livre est en général très stable, ce n’est pas du tout un secteur cyclique », s’étonne Guillaume Husson. L’afflux des clients, mais surtout le panier moyen en augmentation, semblent donc perdurer. « Non seulement nos clients habituels ont plus lu, mais ceux qui achetaient sur les plateformes en ligne sont venus chez nous », indique Guillaume Husson.

« Globalement, tous nos adhérents vivent cet état, plus les entreprises sont petites, plus elles ont progressé », constate Olivier Rouard, à la tête des librairies Charlemagne et président du groupement Libraires ensemble, qui regroupe 49 maisons indépendantes. Une fois n’est pas coutume, ce sont les petites structures qui ont le mieux résisté, avec aux deux extrémités du spectre les librairies pesant moins de 300.000 euros par an, enregistrant une croissance de 14,8 % en 2020 tandis que celles réalisant plus de 4 millions affichent un recul de 9 %.

Centres commerciaux

« C’est assez logique, les gros vendent souvent beaucoup de livres de tourisme, universitaires ou scolaires, or, ce sont les secteurs qui ont le plus souffert de la crise », décrypte Guillaume Husson. Sans compter que ce sont souvent les plus gros qui sont installés dans les centres commerciaux, qui ont été fermés administrativement.

« L’année 2020 a marqué un virage pour les libraires indépendants, ils ont pris une autre dimension, venir chez nous plutôt que d’acheter sur Amazon est devenu un acte militant, et cela restera », analyse Olivier Rouard. Dans les changements appelés à durer, la digitalisation tient une place majeure. « Généralement, les ventes sur le site Internet représentaient 2 à 3 % du chiffre d’affaires du libraire, on est aujourd’hui entre 6 et 7 % », détaille-t-on au SLF. Une mini-révolution qui ne se fait pas sans heurts, nécessitant réorganisation logistique, investissement informatique, et coût de livraison.

Secteur chouchouté

C’est sur ce point que le législateur compte apporter un nouveau soutien. La loi adoptée par le Sénat début juin, avec le soutien affirmé du gouvernement, vise à réduire les distorsions de concurrence sur les frais de port avec les géants de l’e-commerce, en fixant un prix plancher. « Quand Amazon fait payer un centime d’euro, le libraire paie 7 euros pour envoyer le livre par La Poste », dénonce depuis des années Guillaume Husson. Autre axe attendu : les collectivités, et non plus seulement les régions, pourraient verser des subventions aux librairies.

Si elles sont en forme, c’est aussi qu’elles ont pu se moderniser. Comme l’ensemble des entreprises, les librairies ont pu bénéficier des aides de l’Etat, mais ce secteur particulièrement choyé est aussi soutenu par les Régions ou le plan de relance pour les travaux ou le passage au numérique. Alors, chouchoutés les libraires ? « La crise a joué en notre faveur, elle a mis notre secteur sous les feux des projecteurs, mais la librairie est fragile, c’est le commerce le moins rentable », défend Guillaume Husson. La rentabilité moyenne tourne à moins de 1 % du chiffre d’affaires.

 

Lire : Les Echos du 3 juillet

 

Jean-Philippe Behr

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