Les éditeurs ont amorcé un bras de fer avec les géants de l’IA pour obtenir une contrepartie à l’utilisation de leurs corpus.
L’esprit blagueur des écrivains donne parfois des sueurs froides aux éditeurs et aux critiques littéraires. Chacun se souvient de la stupeur dans le monde des lettres quand, en 1981, le « neveu » de Romain Gary, Paul Pavlowitch, avait fini par vendre la mèche : Émile Ajar, le mystérieux auteur du roman La Vie devant soi n’a jamais existé ; boudé par la critique, le romancier a endossé cette identité factice pour s’offrir une seconde jeunesse littéraire et un deuxième Goncourt. Personne, pas même son éditeur, Gallimard, n’avait été mis dans la confidence.
Quarante ans plus tard, alors que le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle bat son plein dans la capitale, un autre tour de passe-passe pourrait se jouer au nez et à la barbe des éditeurs français. Ne pourrait-on pas imaginer que ces derniers se laissent, dans un futur proche, duper par un manuscrit rédigé par une intelligence artificielle, dont la nature ne serait dévoilée qu’après une hypothétique publication, ou pire, après une remise de prix ? Le mois dernier au Japon, la lauréate du plus prestigieux prix littéraire local, Rie Kudan, a révélé avoir fait appel à ChatGPT pour écrire une partie de son roman.
« On peut toujours imaginer qu’un jour, un roman écrit par une IA paraisse chez un éditeur, mais ce n’est absolument pas ce que l’on constate aujourd’hui. Il n’y a pas d’arrivée de faux manuscrits dans nos maisons », assure Juliane Charbois, directrice juridique et compliance d’Editis et copilote de la mission IA du Syndicat national de l’édition (SNE). « Nous publions surtout de la fiction et des auteurs qui ont un besoin viscéral d’écrire. L’IA n’entre pas dans ce champ », abonde Gabriel Zafrani, directeur adjoint des Éditions Robert Laffont.
Avalanche de « faux livres » sur Amazon
Les éditeurs ne peuvent toutefois faire barrage à ce que des ouvrages massivement produits par IA envahissent doucement les plateformes d’autoédition. Sur celle d’Amazon,…