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Livres numériques : la lente mue de l’industrie de l’édition vers un modèle à la Netflix

Mi-novembre, Kobo a lancé une offre payante en France donnant accès à 57.000 e-books pour 10 euros par mois. Cette nouvelle offre arrive sur un pan du marché de l’édition qui reste encore marginal en France. Dans le secteur, la consolidation est à l’oeuvre entre les « pure players » qui tentent d’atteindre une taille critique à l’échelle internationale.

C’est un petit pas de plus vers l’accès en illimité par abonnement sur le marché de l’e-book. Mi-novembre, Kobo a lancé une offre payante sur le sol français donnant accès à 57.000 livres électroniques pour 10 euros par mois (13 euros pour y ajouter les livres audio). Baptisé « Kobo Plus », ce service du fabricant de liseuse rejoint quelques offres similaires (certaines proposent aussi des BD et de la presse dans leur abonnement) déjà présentes en France telles que Youboox, YouScribe, Scribd ou la liseuse Kindle d’Amazon.

Le marché français de l’édition numérique, composé principalement par les e-books et les livres audio, devrait peser environ 300 millions d’euros en 2021, contre 54 millions en 2010. Une belle augmentation qui ne doit pas faire oublier que le format représente tout juste 10 % du marché global de l’édition française qui devrait peser plus de 3 milliards en 2021.

« En France, l’e-book demeure marginal car les grandes maisons d’édition n’ont pas mis leurs meilleurs livres sur les différentes plateformes, tout particulièrement les nouveautés qui serviraient de locomotive pour réellement développer ce format, confie un expert de l’industrie. La vraie question de ce modèle, c’est la création de valeur pour les auteurs et les éditeurs. Tant que ces derniers ne seront pas rassurés sur la répartition des revenus en provenance de ces offres, ils feront en sorte de préserver le modèle de la vente unitaire. »

« Le sens de l’histoire »

Pour l’heure, les poids lourds du secteur ont effectivement davantage le pied sur le frein que sur l’accélérateur. « Pour les e-books, il y a une sorte de chronologie informelle des médias qui s’est mise en place en France. On dispose des nouveautés plusieurs mois après leur commercialisation », souligne Hélène Mérillon qui a lancé le service tricolore Youboox en 2012, une offre payante revendiquant 100.000 e-books en langue française (et plus de 220.000 en tout, sans compter les livres audio). Un catalogue que la firme a bâti patiemment, nouant des accords avec pas moins de 1.300 éditeurs français.

Mais l’édition peut-elle s’offrir le luxe de ne pas vivre avec son temps ? Dans le business, l’usage des consommateurs fait souvent loi. La musique, les séries télévisées, le cinéma, les jeux vidéo : tous ces marchés du divertissement se sont tour à tour convertis ou sont en train d’adopter un modèle de souscription donnant accès à des contenus de manière illimitée.

« C’est le sens de l’histoire, surtout si les éditeurs veulent toucher la jeune génération et en faire des lecteurs », fait valoir Hélène Mérillon. « Ils se font discrets sur le sujet, mais les poids lourds comme Editis ou Hachette suivent ça de très près », note un bon connaisseur du secteur. En 2019, le premier a ainsi intégré son service de livres 100 % audio, Lizzie, au sein de l’offre d’abonnement de Canal+, propriété de Vivendi à qui appartient également Editis.

Une consolidation à l’oeuvre

Reste que pour les « pure players » du secteur comme Youboox et consorts, la partie s’annonce serrée entre les géants de l’édition qui rechignent encore à collaborer pour la partie la plus « bankable » de leurs catalogues pour les e-books, et Amazon qui « a une part de marché sur l’e-book de plus de 80 % en France », estime un acteur de l’industrie. Sans compter que d’autres géants s’approchent à pas de loup du secteur de l’édition numérique.

Mi-novembre, le mastodonte du streaming musical et audio Spotify a mis la main sur Findaway qui revendiquait le catalogue de livres audio le plus volumineux au monde. Une mise en bouche avant que le groupe – qui n’a cessé d’élargir son spectre ces dernières années, du podcast aux lives audios – ne plante aussi ses crocs dans le marché de l’e-book ? Une chose est certaine : le mouvement n’a pas échappé aux « pure players » qui s’activent pour atteindre rapidement une taille critique.

Il y a deux semaines, le suédois Storytel a fait l’acquisition de l’américain Audiobooks.com en vue de mettre un pied aux Etats-Unis. Avant cela, son rival suédois Nextory avait racheté le service espagnol Nubico en juin, avant d’acquérir Youboox en octobre. « On aurait pu lever entre 20 et 30 millions d’euros et poursuivre notre route seul, explique Hélène Mérillon. Mais on aurait eu des difficultés à passer à l’échelle en dehors de la France. Les marchés de l’édition nécessitent souvent une approche locale avec les particularités et goûts culturels des lecteurs de chaque pays. D’où cette logique de rapprochement européen. » L’histoire de la consolidation dans l’industrie du livre numérique ne fait que commencer.

 

Lire : Les Echos du 2 décembre

 

Jean-Philippe Behr

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