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PME : les cinq recettes pour réussir son déconfinement

De très nombreuses entreprises espèrent reprendre leur activité ou la faire monter en puissance sitôt le déconfinement autorisé. Une situation délicate, dont la réussite repose très largement sur l’anticipation et la consultation.

 

1. Se procurer des équipements de protection

 

Les équipements de protection individuelle (EPI) ne constituent qu’une des modalités de protection avec la distanciation sociale et le télétravail. Pourtant, ils occupent le devant de la scène. Une véritable chasse aux masques a été lancée et mardi, devant l’Assemblée Nationale, le premier ministre Edouard Philippe a « invité toutes les entreprises » à en équiper leurs salariés. « S’équiper, c’est le prérequis de la reprise. Sur l’achat de masques et gels, les dirigeants semblent à peu près organisés. Sur les blouses et gants, c’est plus compliqué », observait jeudi 23 avril Pierre Goguet, le président de CCI France, l’établissement fédérateur des Chambres de commerce et d’industrie. L’Etat soutient les plateformes de vente – C-Discount, et bientôt La Poste -. L’idée étant de favoriser les économies d’échelle, de limiter les abus (prix excessifs, produits non conformes) et de pérenniser l’approvisionnement. Ce qui n’empêche pas les dérives, comme ces chefs d’entreprise pris sur le vif en train d’acheter illégalement des masques à Saint-Denis le 25 avril.

2. Repenser les conditions de travail

 

Locaux, logistique, ressources humaines, recours aux horaires décalés… Le redémarrage peut vite tourner au casse-tête. Selon les experts, un plan de reprise (modification du document d’évaluation des risques, consultation du CSE, simulations…) requiert deux à trois semaines de préparatifs… « Ce n’est pas forcément sorcier, mais il n’y a rien d’existant, ‘sur étagère’. Les dirigeants regardent ce que font les autres. La plupart n’imaginent qu’une reprise graduelle », constate Jacques de Tournemire, du cabinet de conseil en stratégie Lysios.

 

Depuis un mois, le fabricant de balances électroniques Precia Molen a rouvert progressivement ses ateliers de production en intégrant 10 à 12 volontaires supplémentaires par semaine. Briefés, les ouvriers se voient attribuer des outils personnels et désinfectent les machines avant et après chaque usage. Pour les pièces qui passent de main en main, un temps de latence de trois jours est observé. Les sorties et entrées de salariés sont échelonnées et le nombre de personnes limité dans chaque salle, mais « cela ne pose pas de problème car les ateliers sont vastes », indique René Colombel, président du directoire de Precia Molen. « Tout cela ralentit la production mais c’est mieux que rien. »

 

Chez Valentin, l’un des leaders européens des équipements sanitaires, basé à Feuquières-en-Vimeu (Somme), on a mis à profit la période de chômage partiel pour « apprendre à vivre avec le virus », selon le PDG Arnaud Valentin. Le dirigeant a dû s’attaquer à des détails insignifiants. « Nous avons supprimé les torchons dans les espaces repas, retiré les sèche-mains soufflants des toilettes, augmenté le nombre de pointeuses ou condamné les vestiaires pour donner à chacun un carton avec ses affaires », détaille-t-il. Plus question non plus pour les salariés de changer de poste et gare à celui qui aura égaré ses affaires ! « Nous avons aussi séparé les bureaux avec des plaques de Plexiglas. Ces adaptations auraient été beaucoup plus difficiles si la centaine de salariés avaient été présents sur le site », affirme-t-il.

3. Consulter salariés et experts

 

« Nous avons de plus en plus de sollicitations. Nous accompagnons des entreprises dans la mise en place de leur plan de continuation d’activité », raconte Raphaël Gimano, directeur du service santé au travail Drôme Vercors. Médecins, cabinets de conseil, Inspection du travail, Carsat sont autant d’experts à solliciter. Mardi, Edouard Philippe a également souhaité l e doublement du nombre de fiches métiers et de guides pratiques édités pour l’occasion par le ministère du travail et les branches professionnelles. Il a également insisté sur la nécessité «d’associer les partenaires sociaux» aux nouveaux plans d’organisation du travail.

 

De fait, l’avis du comité social et économique (CSE) et des salariés paraissent incontournables. « L’entrepreneur qui voudrait rouvrir en mettant ses salariés au garde-à-vous prend le risque de se retrouver seul. On n’a jamais autant discuté dans les PME », observe François Asselin, le président de la CPME. En dehors de « quelques situations difficiles », délégués syndicaux et employeurs « se mettent autour de la table – virtuelle – pour discuter de l’organisation du travail », confirme Cécile Maire, secrétaire de l’Union des métaux Normandie CFDT. « La logique est de redémarrer à faible effectif, en mettant en place les distances et gestes barrière, sans mettre en avant les objectifs de production dans un premier temps. Ceux-ci seront ensuite adaptés en bonne intelligence avec les délégués syndicaux. »

 

Les discussions portent sur l’aménagement des postes, les masques, la redéfinition des pauses, ou encore la distance physique dans les espaces collectifs (vestiaires, restaurants) qui reste « un point noir ». Autre sujet clef, la question des congés, la loi prévoyant que l’employeur peut imposer six jours de congé jusqu’au 31 décembre 2020, en cas d’accord de branche ou d’entreprise. Sur ce point « les négociations se passent assez bien avec les entreprises », ajoute-t-elle.

4. Jauger les risques

 

C’est le cauchemar des dirigeants : la contamination sur le lieu de travail, dont beaucoup redoutent d’être rendus responsables. A l’heure actuelle, les employeurs ont, à l’égard de leurs salariés, une obligation de moyens renforcée, qui les astreint à respecter les règles sanitaires. C’est au salarié malade de faire la preuve que son travail l’a exposé au risque de Covid.

 

Mais il est tout à fait envisageable, dans les semaines à venir, qu’une action en justice soit menée pour faire reconnaître la Covid-19 comme une maladie professionnelle – à l’instar des soignants -, ouvrant la voie à une indemnisation plus lourde du salarié du fait d’une « faute inexcusable » de son employeur.

 

Le sujet divise les syndicats. « Il faudrait imaginer un régime spécifique qui prenne en compte les particularités de cette situation complexe et inédite, mais aussi notre incapacité d’anticipation. Sinon, il y a un risque de faire peser, a posteriori, de trop fortes responsabilités sur l’employeur », estime Yasmine Tarasewicz, avocate au sein du cabinet Proskauer Rose. Hors de tout procès, l’assurance-maladie pourrait être aussi tentée de demander une contribution supplémentaire à l’employeur. « Les dispositions actuelles du Code du travail sont insuffisantes car le chef d’entreprise ne peut pas maîtriser ce risque beaucoup plus élevé. Il faudrait un cadre juridique clair qui prévoit qu’en l’absence de faute intentionnelle, aucune condamnation n’est possible », argue François Asselin.

5. Anticiper un changement de modèle économique

 

Rouvrir ne suffit pas. « Il faut, et c’est là toute la difficulté, anticiper la fragilisation de son modèle économique », note François Asselin. Produire dans les nouvelles conditions sanitaires coûtera plus cher, sans qu’il ne soit forcément possible de le répercuter sur les prix, et sans assurance que les clients ne soient au rendez-vous. Tenir les délais relèvera de la course d’obstacles. Et investir, sans doute de la gageure, avec une trésorerie sous tension.

 

Lire : Les Echos du 29 avril

 

Jean-Philippe Behr

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