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« Pour une politique culturelle respectueuse des valeurs de l’édition »

Les pouvoirs publics doivent tout mettre en œuvre pour reconstruire « un lectorat averti » et affaiblir la puissance des monopoles, estime, dans une tribune au « Monde », le libraire Christian Thorel, qui réagit à la lecture du rapport Racine sur « L’auteur et l’acte de création ».

Tribune. [Le conseiller maître à la Cour des comptes Bruno ­Racine a remis, le 22 janvier, au ministre de la culture, Franck Riester, son rapport intitulé « L’auteur et l’acte de création ». Il y constate « une dégradation de la situation économique et sociale des artistes auteurs », qui se ­traduit par une ­érosion de leurs revenus. Le rapport liste 23 recommandations visant à promouvoir la « professionnalité » du ­statut des artistes auteurs. Il propose de parvenir à « déterminer un taux de référence de rémunération proportionnelle pour les auteurs selon les secteurs », d’ici à la fin 2021. Il plaide pour une transparence sur l’exploitation des œuvres et le suivi des ventes. Il appelle de ses vœux la création d’« un contrat de commande, qui pourrait rémunérer en droits d’auteur le temps de travail lié à l’activité créatrice ». Christian Thorel , ancien directeur de la librairie Ombres Blanches, à Toulouse, réagit à la lecture de ce rapport.]

Il y a dans la librairie, dans son acception moderne, un malaise originel, que nous nommerions « le commerce des livres ». Dans le rapport de Bruno Racine intitulé « L’auteur et l’acte de création », ce malaise est devenu celui des « acteurs de l’aval ». Faisons un retour en arrière.

Lorsque l’éditeur Jérôme Lindon (1925-2001), surpris par le foudroiement opéré par la Fnac dans le secteur de l’édition dès 1974, et soucieux des risques de monopole qu’encourait ce dernier, entreprit de convaincre professionnels et politiques de la nécessité d’une loi pour le prix unique, c’était au nom de la vie des livres et de leur « diversité ». Je retiens aussi son mot d’ordre à l’époque : « Pas de livres sans libraires. » Il n’y avait donc pas de livres sans les lieux de leur commerce !

Les librairies, des lieux d’échanges

C’est sur les vertus défendues depuis quarante ans de cette loi de « régulation » avant la lettre que l’édition en France s’est développée, que la diffusion de ses livres a su résister aux monopoles, à l’emprise du numérique, comme à ses empires financiers. Pourtant, le commerce en ligne et l’usage d’Internet sont venus mettre en difficulté ce que nos librairies demeurent : des lieux d’échanges pour les livres et leurs lecteurs, des territoires pour les éditeurs et pour « leurs » auteurs. J’insiste ici sur l’adjectif possessif « leurs », tant il me semble indispensable pour comprendre la profondeur des liens, la force d’un ordre symbolique, les aptitudes réciproques et l’engagement commun qu’il réalise. Le contrat social qui unit auteur et éditeur va au-delà des termes d’une embauche et de sa rémunération. Ainsi avais-je retenu de mes quarante-cinq ans…

Lire la suite : Le Monde du 6/2/20

Pascal Lenoir

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