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Recyclage : Paprec pourrait dépasser Veolia en France

L’ETI de la famille Petithuguenin a franchi en 2024 la barre des trois milliards d’euros de chiffre d’affaires et s’attend à prendre la deuxième place du marché français.

La famille Petithuguenin devrait rajouter cette année un chapitre notable à la saga Paprec. La fusée du recyclage espère décrocher la deuxième place du marché français des déchets en dépassant les 3,5 à 3,7 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2025. C’est la projection que fait Mathieu Petithuguenin à la lueur des résultats 2024 attendus cette semaine.

Le cadet du fondateur Jean-Luc a repris les rênes de l’entreprise l’été dernier. C’est donc lui qui franchit la barre des 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et la toise du demi-milliard d’Ebitda à 550 millions d’euros. De quoi dépasser en 2025 Veolia et commencer à narguer le leader Suez.

Du petit-lait pour le fondateur, qui ne se lasse pas de raconter la « success-story » qui dure depuis trente ans. Celle d’une petite PME reprise par l’ex-cadre de la Générale des Eaux qui démarra dans la valorisation du papier usagé et traite aujourd’hui un million de tonnes de métal par an. L’an dernier, Paprec employait 17 000 personnes et vise désormais la barre des 25 000 salariés.

« Dans le passé, je disais à mes enfants ‘c’est vous qui amènerez l’entreprise au milliard’, puis, une fois le palier franchi, je leur disais ‘vous atteindrez les trois milliards’, mais on l’a fait ensemble plus vite que prévu », s’amuse le patriarche, qui fixe maintenant le cap à 5 milliards d’euros avant 2030. Questionné sur l’occasion de se mesurer maintenant à ses rivaux dans le domaine de l’eau, Jean-Luc Petithuguenin renvoie la question à bien plus tard : « C’est un projet qui se posera pour mes petits-enfants, pas pour mes enfants. »

Car Paprec n’a pas encore épuisé sa stratégie de croissance dans le recyclage des déchets. L’entreprise reste largement ancrée en France, avec 80 % de son activité dans l’Hexagone, mais elle ne souffre guère de la mollesse du marché intérieur, grâce à une diversification progressive. Sa stratégie repose aujourd’hui sur trois axes de développement, alimenté pour moitié par de la croissance externe au rythme de cinq à dix rachats par an.

Joyau industriel

Dans le recyclage des métaux, Paprec reste encore un cran derrière le champion des ferrailleurs Derichebourg, mais il étend peu à peu son maillage territorial. Six entreprises ont été acquises dans ce secteur ces deux dernières années.

L’entreprise se positionne également sur la construction et la rénovation des incinérateurs producteurs d’énergie, ayant racheté bon nombre de spécialistes disponibles sur le marché. « Il ne reste plus que nous, Veolia et Suez », s’amuse-t-on chez Paprec. Elle a en particulier profité du démembrement d’un joyau industriel français, la Cnim, pour récupérer des savoir-faire précieux dans le domaine. 

C’est là que le groupe familial s’aventure le plus à l’export pour capter une part du marché mondial de la construction de ces gros équipements qui coûtent entre 200 et 600 millions d’euros pièce. Si la Chine en construit un par mois, Paprec s’est imposée sur des marchés plus accessibles comme la Thaïlande, l’Azerbaïdjan, etc.

Mathieu Petithuguenin croit aussi fortement à l’Espagne. C’est lui, depuis Madrid, qui avait lancé l’activité recyclage il y a quelques années. Elle pèse aujourd’hui 350 millions d’euros et pourrait atteindre 500 millions d’euros d’ici deux ans. « L’Espagne est un pays très en retard sur la législation des déchets et nous y voyons un fort potentiel », justifie le dirigeant.

La famille a déjà dû progressivement ouvrir son capital dont elle détient encore 57 %, le reste se trouvant dans les mains du fonds Vauban et de Bpifrance. Pas pressée de partager davantage l’actionnariat, la famille Petithuguenin n’exclut pas de le faire pour autant si une belle occasion de croissance se présente. Elle voit bien aussi que l’arrivée en force des fonds infrastructures dans son secteur renforce la concurrence.

Soupçons de corruption

Plus grosse, l’ETI peut se permettre des cibles toujours plus importantes mais elle cale encore devant des cibles qui atteignent le milliard d’euros de valorisation. Elle se finance essentiellement par des obligations vertes dont elle est l’un des pionniers et qui lui ont fourni 2,5 milliards d’euros en six levées de fonds depuis 2015.

Paprec devra aussi effacer le souvenir d’une affaire récente qui fait tache. L’entreprise a signé une convention de 17,5 millions d’euros avec le Parquet national financier pour stopper plusieurs enquêtes pour soupçons de corruption, entente et favoritisme entre 2013 et 2022, notamment autour d’un marché public du Syndicat mixte du département de l’Oise, présidé par Philippe Marini. La famille conteste ces accusations et estime au contraire être « l’acteur qui, depuis sa création il y a trente ans, a apporté en France la concurrence et la fin du duopole dans l’univers des déchets ».

Lire : Les Echos du 17 mars

Jean-Philippe Behr

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