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La loi anti-déforestation reportée à Bruxelles, mais pas dévitalisée

Le PPE, parti dominant au Parlement Européen, a réussi à retarder d’un an la mise en oeuvre d’une loi historique visant à lutter contre la déforestation, mais il a échoué à l’affaiblir davantage.

L’Europe a franchi une étape importante mardi soir dans sa lutte contre la déforestation, en parvenant à un compromis politique pour reporter d’un an une nouvelle loi considérée comme cruciale pour le Pacte vert européen et qui était initialement prévue pour la fin 2024.

Après des mois de controverses, le groupe de centre droit PPE (Parti Populaire Européen), mené par Manfred Weber et dominant au Parlement européen, a réussi à retarder sa mise en œuvre, mais a échoué à l’affaiblir davantage. Un vote final est encore attendu, mais il ne devrait être qu’une formalité.

La nouvelle loi impose aux entreprises de prouver que les matières premières ayant servi à la conception des marchandises qu’elles vendent en Europe n’ont pas été cultivées sur des terres déboisées ou dégradées après 2020. Faute de quoi, toute une série de produits comme le café, le cacao, la viande de bœuf ou encore le bois seraient interdits de vente en Europe.

Elle prévoit aussi de classer les pays selon le risque qu’ils représentent pour la déforestation avec des catégories (risque faible, moyen et élevé) … et les obligations qui vont avec.

Très complexe à appliquer, elle avait suscité la vive opposition des géants agricoles comme le Brésil, l’Indonésie, ou encore les Etats-Unis, mais aussi des pays de l’UE comme l’Allemagne, l’Autriche et la Finlande qui demandaient plus de temps pour s’adapter.

Les Etats membres font blocage

Début octobre, sous pression, la Commission européenne avait proposé de retarder l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles.

Mais le PPE avait déclenché une tempête à Bruxelles en profitant de cette fenêtre pour exiger de nouveaux changements déclarant vouloir mieux protéger entreprises et agriculteurs et éliminer une « bureaucratie excessive ». Le vote d’amendements en ce sens avait fait grand bruit aussi parce que les conservateurs avaient conclu une alliance avec l’extrême droite pour parvenir à leurs fins.

Mais les Etats membres de l’UE, dont le feu vert était nécessaire pour acter ces changements, avaient coupé court aux manœuvres, en rejetant en bloc toute modification de fond de la loi, n’acceptant que son report. Lors de la réunion de mardi, les conservateurs ont finalement abandonné ces exigences, après que la Commission s’est engagée à mettre à jour la loi d’ici un an.

« Nous avons veillé à ce que la Commission achève la plateforme en ligne et la catégorisation des risques en temps voulu, ce qui offrira davantage de prévisibilité à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement », a déclaré Christine Schneider, eurodéputée PPE. « Une évaluation d’impact et une simplification supplémentaire doivent suivre lors de la phase de révision pour les pays ou régions à faible risque, ce qui incitera les pays à améliorer leurs pratiques de conservation des forêts », a-t-elle ajouté.

« Dans le mur »

« L’alliance avec l’extrême droite de Manfred Weber pour détricoter cette loi l’a mené vers la seule issue possible d’une telle stratégie : dans le mur », a estimé pour sa part Pascal Canfin, eurodéputé Renew, se réjouissant qu’il n’y ait « aucun changement dans l’essence de la loi » et « seulement un report ».

Une fois formellement adoptée, la loi deviendra applicable le 30 décembre 2025 pour les grandes entreprises et le 30 juin 2026 pour les petites. D’ici là et avant juin 2025, l’UE doit établir ses très redoutées catégories de risques par pays. Même si l’exécutif européen a prévenu, que d’après sa méthodologie « une grande majorité de pays dans le monde » seraient « classés comme à faible risque », il n’est pas exclu que l’on entende de nouveaux éclats de voix lors de cette étape…

Lire : Les Echos du 4 décembre

Jean-Philippe Behr

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