Dès le lendemain de la sortie de ChatGPT, tous les salariés de l’entreprise ont commencé à l’utiliser pour rechercher de l’information, générer du texte… puis très vite pour tester la viabilité de projets (POC). Mais ils se cachaient souvent pour le faire. Ils avaient peur de voir leur travail dénigré à cause de l’utilisation d’IA. » Antoine Jacoutot, directeur des nouvelles technologies du label de musique Believe, qui emploie 2 000 personnes dans le monde, est l’un des rares dirigeants à accepter de parler ouvertement de cet usage clandestin de l’IA, ou « shadow AI », qui s’est installé dans les entreprises.
Ce terme désigne l’utilisation par les salariés d’outils d’intelligence artificielle sans qu’elle soit encadrée ou déclarée au département informatique de leur entreprise ou à leur hiérarchie. Ce phénomène s’est généralisé depuis deux ans avec l’explosion de l’IA générative dans les bureaux : le volume de données échangées via les assistants conversationnels a augmenté de plus de 890 % en 2024, selon Palo Alto Networks, spécialiste de la cybersécurité. « En France, au moins la moitié des salariés utilisent des outils d’IA générative à usage professionnel sans en parler à leurs employeurs », constate Raphaël Marichez, directeur de la sécurité de Palo Alto Networks pour la France et l’Europe du Sud. « Ils sont même deux fois plus nombreux à utiliser des outils relevant du “shadow AI” que des solutions d’IA fournies par leur entreprise », ajoute Axel de Goursac, associé chez KPMG, qui a publié une étude avec l’université de Melbourne sur les usages de l’IA générative. Les trois quarts utilisent des outils généralistes comme ChatGPT, de loin le plus répandu, Copilot ou Claude, et dans une version gratuite. La plupart du temps, à partir de leur compte personnel. De quoi rappeler de vieux souvenirs aux directeurs informatiques. Dès les années 2010, beaucoup déploraient déjà l’existence dans les entreprises d’un « shadow IT », c’est-à-dire le recours à des logiciels, à des applications ou à des services cloud sans concertation ou accord des services informatiques…