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La bibliothèque d’Umberto Eco cédée à l’État italien

La bibliothèque aux plus de 30 000 titres du philosophe italien Umberto Eco, décédé en 2016, va être prise en charge par l’Etat italien. C’est ce qu’a annoncé le ministère de la Culture de la Péninsule après trois ans de négociation avec la famille du sémiologue. S’étalant sur des dizaines de mètre d’étagère, la collection de l’écrivain était devenue légendaire.

Conformément à ses vœux, ses dizaines milliers d’ouvrages seront prêtés à l’État italien pour une durée de quatre-vingt-dix ans. Ils seront répartis en deux lieux, les ouvrages dits modernes et les archives iront à l’université de Bologne – où le philosophe a enseigné des années durant – tandis que la fameuse Bibliotheca semiologica curiosa, lunatica, magica et pneumatica composée de 1 200 ouvrages anciens et autres incunables ayant principalement trait aux sciences occultes et « sciences fausses » intègrera la Bibliothèque nationale de Brera, à Milan.

Auteur – pour son délassement, affirmait-il – de romans devenus des best-sellers (Le Nom de la rose, Le Pendule de Foucault…), philosophe, sémiologue et éditeur, Umberto Eco a toujours fait preuve d’une curiosité intellectuelle sans limite. Et d’un attrait pour l’occultisme, le complotisme et l’art du faux. Dans le grand entretien qu’il nous avait accordé en 2012, il invitait à pratiquer un « polylinguisme mental » consistant « à essayer de comprendre la façon de raisonner des autres cultures ».

D’où venait l’inspiration du prolifique Umberto Eco ? On peut tenter une réponse en fouillant dans les recoins de sa bibliothèque et particulièrement de la Bibliotheca semiologica curiosa, lunatica, magica et pneumatica, composée d’ouvrages rares et anciens et dans laquelle se trouve quelques incunables (ouvrage datant des débuts de l’imprimerie et édité avant le 31 décembre 1500) d’une grande rareté.

  • La première édition de 1499 de l’Hypnerotomachia Poliphili ou Songe de Poliphile. Considéré comme l’un des plus beaux livres du monde, ce roman anonyme rédigé en plusieurs langues (grec, latin, dialecte italien) est une sorte d’allégorie relatant le combat pour l’amour de Poliphile. il est e nture parsemé de descriptions architecturales d’une grande précision. « Chaque langue met en forme le monde d’une façon différente », disait Eco.
  • L4n des très rares exemplaires de l’Offenbarung göttlicher Majestät  (« révélation de la divine majesté »), d’Ægidius Gutman dans l’édition de 1619 ou 1675. Cet ouvrage interprète la création du monde en la reliant à l’alchimie. L’auteur serait d’ailleurs l’un des fondateurs, ou au moins un précurseur, de l’ordre des Rose-Croix, fraternité secrète tenant à l’hermétisme chrétien. Cela n’est pas sans rappeler le fameux ouvrage d’Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, dans lequel trois éditeurs passionnés d’alchimie et de sciences occultes se lancent à la recherche des secrets de l’ordre des Rose-Croix.
  • L’Arbor vitae crucufixae Jesu (« arbre de la vie crucifiée de Jésus ») d’Ubertino Da Casale de 1305 dans l’édition vénitienne de 1485. Ouvrage d’un théologien franciscain il est composé de cinq livres retraçant la vie de Jésus. Son auteur, Ubertino Da Casale, accusé d’hérésie et convoqué par le pape Jean XXII, est obligé de quitter l’ordre pour rejoindre celui des bénédictins. Resté à la cour du souverain pontife à Avignon, il est à nouveau accusé d’hérésie et se réfugie alors chez le principal opposant à Jean XXII, l’empereur Louis IV de Bavière, avant de trouver la mort dans des circonstances mystérieuses. Le roman d’Eco, Le Nom de la rose, gigantesque jeu de piste médiéval, reprend cet arrière-fond historique d’une chrétienté divisée. Eco fera d’ailleurs de Da Casale l’un des personnages du roman.

Pour s’y retrouver dans ce labyrinthe livresque, notre entretien avec Umberto Eco pourrait bien vous servir de fil d’Ariane.

Lire : Philosophie Magazine du 13 février

 

Jean-Philippe Behr

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