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Le redressement du marché de l’édition menacé par les grèves

Alors que les chiffres repassaient au vert, avec une rentrée littéraire réussie, le mouvement social a fragilisé la reprise avec des ventes en librairies en baisse de près de 6 % depuis le 5 décembre.

 

Les grèves des transports risquent-elles de compromettre le redressement déjà fragile du secteur de l’édition ? Et menacent-elles la santé économique des libraires, déjà victimes d’ un précédent décembre noir avec les « gilets jaunes »  ? La question se pose, même si le livre – et en particulier le livre couronné d’un prix littéraire – continue, année après année, à être  l’un des cadeaux de Noël préférés des Français.

 

A la veille de Noël, les données recueillies par l’Observatoire de la Librairie se révèlent négatives : « Depuis le début des mouvements sociaux le 5 décembre jusqu’au 22, l’évolution du chiffre d’affaires en librairies [donc hors grandes surfaces et e-commerce, NDLR] est en baisse de 5,6 % », indique Guillaume Husson, directeur général délégué de l’Observatoire de la Librairie. « Les deux dernières semaines de 2018 avaient permis un rattrapage de l’activité sérieusement ralentie par le mouvement social, ce que la poursuite des grèves cette année ne devrait pas permettre », dit-il.

27 % du chiffre annuel pour les libraires

 

En tout cas, l’équation « gilets jaunes » plus « grèves de transports » s’avère redoutable pour les libraires : « Sur cette quinzaine, leur chiffre d’affaires a chuté de 8,3 % en deux ans », calcule-t-il.

 

Or, les fêtes de fin d’année, qui représentent 27 % de leur chiffre d’affaires annuel, sont cruciales pour les éditeurs et les libraires afin de réussir leur exercice fiscal. « Sur le seul mois de décembre, nous devons réaliser le double du chiffre d’affaires d’un mois ordinaire. Si l’on échoue à ce moment-là, on compromet forcément les résultats de l’année suivante, explique-t-on à la Librairie des Abbesses, à Montmartre. Les gens pensent d’abord à la manière dont ils vont pouvoir se déplacer plutôt qu’à acheter des livres… et la clientèle touristique ne vient pas. » « L’année dernière, c’était les « gilets jaunes »…Là, ce sont les métros et les RER : les gens n’ont aucune envie de faire des courses en dehors de leur périmètre immédiat », ajoute-t-on chez Galignani, librairie légendaire de la rue de Rivoli. Et, selon nos informations, les grandes enseignes seraient affectées aussi. On s’attend à un décembre 2019 pire que celui de 2018.

Paris coupé en deux

 

Mais si les libraires parisiens sont les acteurs les plus impactés en France, « de fortes disparités se manifestent selon les quartiers, reprend Guillaume Husson. Le centre de Paris, où n’existe plus véritablement de vie de quartier, souffre, avec de très fortes chutes de chiffre d’affaires de l’ordre de 30 à 40 %. A l’inverse, les 13e et 15e arrondissements et l’Est parisien enregistrent de bonnes ventes… »

 

Pourtant, jusqu’au jeudi 5 décembre, les indicateurs du marché de l’édition fanfaronnaient, après deux années médiocres.  Marqué par une chute des ventes de 4,4 % , le cru 2018 s’était révélé particulièrement décevant.

 

L’année 2019 avait mal commencé, comme le confirme Pierre Dutilleul, président du Syndicat National de l’Edition (SNE) : « Entre janvier et fin octobre 2019, la croissance des ventes, hors littérature scolaire, a repris mais n’a été que de l’ordre de 1,9 % », dit-il.

Subite accélération à la rentrée

 

Toutefois, ces chiffres globaux dissimulaient une année contrastée. Car  dès la rentrée littéraire, les chiffres se sont emballés. Sur le seul mois d’octobre 2019, les ventes, tous genres confondus, ont progressé de 3,2 % (source GfK). Et le chiffre bondit à 21 % lorsque l’on ne prend en compte que la littérature générale grand format. « Soif » d’Amélie Nothomb (209.518 exemplaires vendus, source Gfk), le Goncourt « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » de Jean-Paul Dubois (228.169 exemplaires), le Renaudot « La Panthère des Neiges » de Sylvain Tesson (227.140 exemplaires), et le Goncourt des Lycéens et l’Interallié « Les Choses Humaines » de Karine Tuil (73.912 exemplaires) ont « boosté » les ventes. Les Prix ont confirmé leur réputation de « valeur sûre » au moment de l’hésitation entre deux volumes.

 

« La diminution du nombre de romans publiés, sensible chez la plupart des éditeurs, et les efforts faits pour mieux accompagner chaque ouvrage, notamment grâce à un travail de communication auprès des libraires et sur les réseaux sociaux, paraît porter ses fruits », analyse Gilles Haéri, PDG d’Albin Michel. Mais, sauf rattrapage de dernière minute, la fin de l’année risque de s’achever sur une note plus amère. Pierre Dutilleul ne s’attend plus qu’à une très légère croissance sur l’ensemble de 2019.

 

Lire : Les Echos du 24 décembre

 

Jean-Philippe Behr

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