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5 choses que vous ignorez sur le Livre de Poche

La mythique collection d’Hachette et Albin Michel fête ses 70 ans le 9 février. Petit retour sur sa belle histoire en cinq faits marquants, en parallèle de notre grande enquête « Le Livre de Poche, un fringant septuagénaire » à découvrir dès aujourd’hui en ligne et dès demain en kiosques.

Si presque tous les Français possèdent de nombreux Livres de Poche dans leurs bibliothèques, beaucoup ignorent ses origines et mesurent mal l’ampleur de son succès actuel malgré la concurrence. Voici cinq faits que vous ignorez sans doute sur le leader du format…

01. Son fondateur Henri Filipacchi était un innovateur amoureux des livres

Le Livre de Poche a été lancé le 9 février 1953 par Henri Filipacchi, secrétaire général de la Librairie Hachette, avec le soutien de ses amis éditeurs d’Albin Michel, Calmann-Lévy, Grasset et Gallimard. Le quinqua né à Smyrne, issu d’une riche famille d’armateurs originaires de Venise installés en Turquie, a immigré en France trente ans plus tôt et fait toute sa carrière dans l’imprimerie et l’édition. Il a notamment joué un rôle décisif dans le lancement de la Pléiade et de la Série noire. Son exposition à l’oxyde de plomb dans les ateliers a déclenché une grave maladie des poumons.

De manière à profiter au maximum du grand air, il est devenu libraire itinérant en parcourant la campagne et les plages au volant d’un camion transformé en bibliobus. Son dynamisme l’a fait repérer par René Schoeller, le directeur général de la librairie Hachette qui l’a embauché en 1934.

02. Le Livre de Poche français n’est pas une première mondiale

Des livres au format de poche ont vu le jour précédemment. Certains les font même remonter au XVIe siècle avec les éditions Aldines. Au 17e, la Bibliothèque bleue était déjà diffusée dans l’Hexagone par les colporteurs à l’occasion de leurs déplacements dans les villages et les foires. En Allemagne, les premières collections Tauchnitz datent de 1842 et ont été suivies par l’Universal-Bibliothek de Reclam puis Insel Bucherei en 1917.

En Grande Bretagne, les Penguin Books, fondés en 1936 à Londres par Allen Lane et V. K. Krishna Menon, ont démontré que des livres sérieux édités en poche et vendus 6 pence pouvaient toucher une large audience. Aux Etats-Unis, Simon and Schuster a conçu juste avant la deuxième guerre mondiale des livres au format calculé à partir des dimensions de la poche de vêtement. Pendant le conflit, ces pocket books se sont retrouvés dans les poches des « GI ». Selon la légende, Henri Filipacchi aurait eu l’idée de son Livre de Poche en voyant un soldat américain couper en deux un livre pour le glisser dans les poches de son blouson.

03. Le Livre de Poche est à l’origine réservé aux rééditions d’ouvrages à succès

L’innovation de Filipacchi tient plus à la forme (format, prix, illustrations) et à sa judicieuse exploitation des nouvelles techniques d’imprimerie qu’au fond. Les premiers titres retenus au Livre de Poche sont en effet des valeurs sûres déjà consacrées et largement amorties : « Koenigsmark » de Pierre Benoît, les « Clés du royaume » d’AJ Cronin, « Pour qui sonne le glas » d’Hemingway, l’« Ingénue libertine » de Colette, « Vol de nuit » de Saint-Exupéry. Ils sont tirés en moyenne à 60.000 exemplaires.

Le Livre de Poche se révèle spontanément redoutablement efficace pour remettre au goût du jour des titres endormis. « Un amour de Swann » de Proust préfacé par Paul Morand trouve rapidement 500.000 lecteurs. « Les Mémoires » du cardinal de Retz rédigés en 1717 s’écoulent à 60.000 exemplaires entre 1958 et 1959. Ce n’est que quelques années plus tard que la collection s’ouvre à des ouvrages originaux dans le domaine des sciences, des arts ou de la philosophie. Des séries spécialisées sont lancées à côté du Classique fondé par Roger Nimier en 1958 (pratique, policier, jeunesse).

04. Le Livre de Poche reste le numéro 1 incontesté sur ce format

La filiale poche d’Hachette (à 60 %) et d’Albin Michel (40 %) reste l’indétrônable numéro un de ce format malgré de nouveaux concurrents (l’éphémère livre à dix francs lancée par les Mille et une nuits en 1993, le livre numérique, …) et l’offensive de rivaux lancés dans son sillage : J’ai Lu dès 1958, Presses Pocket et 10/18 en 1962, Points Seuil en 1970, Folio – né de la brouille entre Hachette et Gallimard – en 1972, etc. Selon GfK, le Livre de Poche détenait encore 23,3 % du marché fin décembre 2022, soit sept points de plus que son premier concurrent.

Dans le Top 10 des ventes de poches réalisées dans l’Hexagone en 2022 (chiffres Gfk « sorties de caisses » tenant comptes des ventes physiques et digitales), on trouve six titres de littérature générale publiés au Livre de Poche dont deux Guillaume Musso : son premier roman initialement publié en 2001 « Skidamarink » et « L’inconnue de la Seine ». L’auteur le plus vendu de France pour la douzième année de suite est passé de Pocket au Livre de Poche en 2019 en marge de son transfert en grand format chez Calmann-Lévy. Des écrivaines contemporaines complètent le palmarès : Melissa da Costa avec deux titres (« Je revenais des autres », « Tout le bleu du Ciel »), Valérie Perrin et Virginie Grimaldi, dont « Il est grand temps de rallumer les étoiles » a récemment été élu « livre favori des Français ».

05. Les best-sellers historiques sont des titres aujourd’hui un peu oubliés

« Le Grand Meaulnes », l’énigmatique roman d’Alain-Fournier, est le seul roman à s’être vendu à plus de 5 millions d’exemplaires depuis 1953 avec « Vipère au poing » d’Hervé Bazin. Deux classiques dépassent les 4 millions : « Le journal d’Anne Frank » et « Germinal » d’Emile Zola.

Le club des plus de 3 millions fait place à plus de diversité parmi ses sept élus, qui vont du « Silence de la mer » de Vercors à « La cuisine pour tous » de Ginette Mathiot en passant par « Le Parfum » de Patrick Süskind. « Ils étaient dix » d’Agatha Christie (autrefois titrés « Les Dix Petits Nègres ») s’y retrouve sans peine. Publiée depuis 1962 au Livre de Poche, la prolifique écrivaine de polars cumule 15 millions d’exemplaires grâce à ses 95 titres, loin devant Zola – 6 millions avec 21 romans.

 

Lire : Les Echos du 18 janvier

 

Jean-Philippe Behr

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