Un big bang dans le monde de la presse. Le groupe Rossel absorbe IPM. À terme, un seul groupe de presse sera propriétaire de tous les titres de presse écrite quotidienne en Belgique francophone. Une concentration qui fait craindre pour le pluralisme.
Le monopole de la presse : un très long mouvement
D’abord un petit préambule : le mouvement de concentration de la presse n’est pas neuf. Bien loin de là. En 1944, il y avait 82 quotidiens d’information générale en Belgique, en 1970 ils ne sont plus que 43 titres pour 18 groupes de presse. Le mouvement n’a fait que s’accélérer durant les années 80 et 90. Le Peuple, le Rappel, la Cité, Le Matin… La liste des quotidiens disparus est longue. En parallèle de cet écrémage, on observe une concentration actionnariale autour de deux pôles, IPM et Rossel, qui vont donc fusionner à leur tour.
On peut donc parler d’un monopole. Mais soyons de bon compte, la révolution numérique a transformé le marché. Si on considère la seule diffusion écrite, le nouveau groupe va capter plus de 90% de l’audience. Mais si on considère les médias d’information en ligne, alors ce groupe ne capte que 20% de l’audience par rapport à ses concurrents. C’est l’argument massue que le nouveau groupe va défendre devant l’autorité de la concurrence.
Le rachat d’IPM pour Rossel : une uniformisation ?
Mais n’y a-t-il pas un risque important de diminution du pluralisme côté francophone ? Si, bien sûr. En particulier dans la presse régionale, entre L’Avenir et Sud Info. Il y a aussi un risque important de concentration du pouvoir. Mais ce risque doit être mesuré à un autre risque : sans cette opération, le groupe IPM, L’Avenir, La Libre, La DH, LN 24 risquait de faire faillite ou d’être racheté par un actionnaire étranger de type Bolloré, qui aurait certainement concentré lui aussi de manière plus brutale. Pour bon nombre d’observateurs, la réduction du pluralisme aurait été encore plus violente sans cette absorption par Rossel.
Fatalisme pour le pluralisme de l’information ?
L’appauvrissement éditorial est là. En cours depuis des années, imposé par les conditions de marché qui fragilisent la presse. Le politique peut-il encore faire quelque chose pour éviter d’aggraver la perte de la diversité de l’information d’intérêt public ? Oui, il peut exiger des garanties pour l’autonomie éditoriale au sein des titres du nouveau groupe. Mais l’enjeu principal est certainement celui de réfléchir aux conditions de production de l’information d’intérêt public basée sur des faits dans un marché où les GAFAM captent l’essentiel de l’attention et des revenus. Une destruction de valeur, de pluralisme et de souveraineté que l’IA va encore renforcer.
Pluralisme et souveraineté, les deux enjeux sont là, deux piliers de la démocratie. Cela renforce aussi la nécessité d’un pôle de médias publics ancré en Communauté française, capable de résister à cette déferlante. La vraie concurrence n’est pas entre privé et public. Il faut être aveugle pour ne pas le voir.